3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation


Chapitre 9
Prévenir et gérer les conflits

Section 9.4

Résoudre les conflits

La coopérative fait de son mieux pour prévenir les conflits. Elle est à l’écoute de ses membres et de ce qui se passe dans le groupe. Et malgré tout, certains conflits apparaissent : de petites disputes, des confrontations et quelquefois de véritables crises. La coopérative doit être en mesure de gérer ces situations.

9.4.1 - Résolution à l'interne

Certains conflits peuvent être résolus sans faire appel à une aide extérieure. La coopérative doit cependant s’assurer d’être bien outillée et de comprendre la complexité possible de la démarche. Voici quelques règles générales pour vous guider.

Avoir les compétences nécessaires

La gestion des conflits, même les plus petits, peut s’avérer une tâche extrêmement difficile, voire impossible pour certains. Sans un minimum de connaissances, on improvise, on tâtonne, quelques fois avec un certain succès, mais le plus souvent sans résultat durable. Plus grave encore, l’intervention de la coopérative pourrait empirer les choses!

La coopérative devrait par conséquent s’assurer que chaque personne appelée à intervenir dans la gestion des conflits (ex. : administrateurs et membres du comité de bon voisinage) ait reçu une formation minimale en résolution de conflits. Informez-vous auprès de votre fédération afin de vérifier si elle offre une telle formation. Sinon, votre fédération sera en mesure de vous référer à des organismes qui offre de telles formations dans votre région.

Méfiez-vous des rumeurs!

Lorsque survient un litige, des tiers pourraient vous induire en erreur sur la nature du problème ou sur la responsabilité supposée des personnes impliquées. Votre démarche devrait reposer uniquement sur les faits qui sont à votre connaissance ou que vous avez été en mesure de vérifier.

De même, assurez-vous de recueillir la version de chacune des parties impliquées.

Procédure

Appliquez les règles

À partir du moment où vous aurez été en mesure de vous faire une meilleure idée de la situation, vérifiez si la loi ou les règlements et politiques de la coopérative prévoient des règles qui s’appliquent à cette situation. N’hésitez pas à recourir aux services des conseillers de votre fédération.

Le cas échéant, assurez-vous que les parties impliquées comprennent ces règles. Souvent, cette démarche va permettre de passer plus facilement à une autre étape de la résolution d’un conflit, ou même, parfois, de réellement régler le problème.

Démasquer les attentes

La plupart du temps, les personnes impliquées dans un conflit vont mettre de l’avant des « positions », qui se traduisent souvent par des reproches ou des exigences, par la réclamation d’un droit ou d’une liberté. Fréquemment irréconciliables, ces prises de position nuisent à la résolution du problème, car elles en masquent les véritables causes.

Vous devrez donc amener les personnes impliquées à exprimer leurs attentes ou besoins véritables. Pour y parvenir, il faut :

  • Établir des règles de communication afin de favoriser un climat harmonieux;
  • Poser des questions pour « mieux comprendre »;
  • Amener les personnes impliquées à exprimer leurs sentiments et leurs émotions et à écouter l’autre;
  • Inciter les parties à faire preuve d’ouverture et d’empathie, malgré des messages négatifs.

Trouver ensemble une solution

Amenez les personnes impliquées non pas à rechercher la solution idéale pour elles-mêmes, mais plutôt à rechercher conjointement une solution qui permette à chacune des parties d’obtenir, au moins partiellement, satisfaction.

9.4.2 - Limites de l'intervention de la coopérative

Certaines situations conflictuelles ne peuvent être résolues par la coopérative, soit parce qu’elles ne relèvent pas de sa juridiction, soit parce que la coopérative n’est pas en mesure d’intervenir.

Les conflits personnels entre les membres

Le conseil d’administration peut être sollicité afin d’intervenir dans le règlement de différends qui ne relèvent pas de son mandat de gestion de la coopérative, comme des conflits de nature purement personnelle entre deux membres.

A priori, les conflits de personnalité entre les membres ne concernent pas la coopérative. Cependant, celle-ci devrait envoyer un message clair aux parties, les invitant à régler leurs problèmes et à faire en sorte que ceux-ci ne nuisent pas aux affaires et au climat de la coopérative. Elle peut également leur proposer un mode de résolution de conflits telle la médiation.

Il peut cependant survenir des situations où la coopérative serait justifiée d’intervenir dans un conflit personnel entre les membres, par exemple :

  • Lorsque la responsabilité de la coopérative risque d’être engagée, par exemple dans le cas d’un trouble à la jouissance paisible d’un logement Voir la sous-section ''Jouissance paisible des lieux'' (Sous-section 18.5.3);
  • Lorsqu’une des parties ou les deux contreviennent à des normes d’ordre public (ex. : règlement municipal), aux règlements ou aux politiques de la coopérative (ex. : Règlement d’immeuble);
  • Lorsque le conflit risque de dégénérer en crise ou en guerre de clans au sein de la coopérative;
  • En cas de violence physique ou verbale, d’intimidation ou de harcèlement, de vol ou vandalisme, etc.

Dans certaines circonstances, la coopérative pourrait être amenée à imposer à une ou plusieurs des parties impliquées des sanctions telle la suspension ou l’exclusion comme membre, voire à demander la résiliation du bail.

Dans tous les cas, la coopérative devrait tenter de limiter les impacts négatifs des conflits personnels sur le fonctionnement de la coopérative, par exemple en évitant d’affecter les personnes impliquées à un même comité ou à un même projet.

Les conflits graves ou les crises

Lorsqu’une situation conflictuelle dégénère et menace le fonctionnement entier de la coopérative, il faut appeler à l’aide. Il existe plusieurs ressources détenant une expertise en résolution de conflits. Votre fédération peut vous aider en pareilles circonstances. Plusieurs fédérations offrent en effet des services de médiation ou d’aide à la résolution de conflits. Elles pourront également vous fournir des références pour du soutien.

Les crises et les conflits familiaux

La coopérative n’a pas à régler elle-même les problèmes personnels et familiaux de ses membres.

Elle ne peut non plus résoudre les situations découlant de problèmes sociaux ou de santé mentale (ex. : problèmes de dépendance, dépression, trouble d’accumulation compulsive (TAC), etc.). Au besoin, n’hésitez pas à faire appel aux proches des personnes concernées ou à communiquer avec des intervenants qualifiés (ex. : votre fédération, un intervenant en soutien communautaire, un centre local de santé et de services sociaux).

Guide: Troubles mentaux

Les gestes à caractère pénal ou criminel

La coopérative ne devrait en aucun temps tolérer quelque forme de violence physique ou psychologique, d’intimidation, de harcèlement (psychologique ou sexuel), de maltraitance ou d’abus entre les membres. Il est suggéré d’adopter une politique pour contrer ce type de comportementVoir la documentation pour un modèle de politique concernant le harcèlement, l'intimidation et la maltraitance.

De même, lorsque vous avez connaissance de la commission d’actes criminels ou d’infractions de nature pénale grave, vous devez en informer les autorités compétentes (police, direction de la protection de la jeunesse, etc.). Ce sera le cas, par exemple, des situations comportant :

  • De la violence conjugale;
  • De la maltraitance envers des aînés, des enfants ou d’autres personnes vulnérables;
  • Une agression sexuelle;
  • Un vol ou de la fraude.

9.4.3 - Recours à un tiers pour résoudre un conflit

Lorsque la coopérative n’est pas en mesure de résoudre par ses seuls moyens un conflit, elle ne doit pas hésiter à recourir à une aide extérieure. Il peut s’agir de votre fédération ou d’un autre organisme voué à l’aide à la résolution des différends.

Il existe, par ailleurs, plusieurs modes de règlements amiables des différends auxquels on peut avoir recours tels la négociation, un tiers facilitateur, la médiation, l’arbitrage.

La médiation : un mode privilégié de résolution des conflitsVoir la documentation pour un modèle de règlements sur les modalités de recours à la médiation

La médiation est un mode de résolution des conflits auquel on fait souvent appel, dans différents domaines (ex. : conflits de travail, conflits familiaux).

La Loi (art. 54.1 et art. 221.2.1) oblige toutes les coopératives d’habitation à adopter un règlement portant sur le recours à la médiation, dans le cas où un différend intervient entre la coopérative et un de ses membres. Les conflits impliquant exclusivement des membres ne sont donc pas couverts par ce règlement.

Qu’est-ce que la médiation?

La médiation est un mode de résolution des conflits par lequel un tiers impartial, le médiateur, intervient auprès des parties pour les aider à trouver une entente équitable et viable, répondant aux besoins de chacun et faisant l’objet d’un consentement libre et éclairé.

La médiation permet de développer et d’approfondir les besoins de chacune des parties, d’analyser ensemble plusieurs options de règlement et de choisir la solution la plus satisfaisante pour les parties. Le rôle du médiateur est d’aider les parties à trouver les solutions qui vont convenir à tous.

Ainsi, le médiateur va :

  • Faciliter la communication et encourager l’échange d’informations entre les participants;
  • Aider les participants à cibler les différentes facettes du conflit qui les oppose;
  • Permettre à chacun d’exprimer son point de vue et ses besoins, et d’entendre ceux de l’autre personne;
  • Favoriser la coopération des participants dans la recherche de solutions possibles à leur conflit.

La médiation doit toujours être volontaire pour toutes les parties impliquées.

La médiation citoyenne : une solution adaptée au modèle coopératif

La médiation citoyenne repose sur les mêmes principes que la médiation faite par un médiateur professionnel. Elle fait cependant appel à des médiateurs bénévoles appartenant à un milieu social donné (quartier, immeuble, municipalité, etc.). Dans cette vision de la médiation, les médiateurs font partie intégrante de la communauté.

Ayant reçu une formation et bénéficiant d’un encadrement professionnel de médiation, ces médiateurs citoyens sont alors en mesure d’accompagner leurs pairs dans la recherche d’une résolution de leurs conflits.

La médiation citoyenne a pour finalité d’amener les personnes impliquées à :

  • Acquérir et développer des compétences et des techniques permettant de gérer les conflits, favorisant du même coup la santé et le bien-être de tous;
  • Développer un environnement sain et sécuritaire, ainsi qu’une qualité de vie marquée par les valeurs de justice et de respect des différences;
  • Prévenir toute forme d’incivilité et de violence;
  • Promouvoir les valeurs entourant la pratique de la médiation (écoute, respect, communication, coopération dans la recherche de solutions, etc.);
  • Créer ou recréer des liens entre les personnes d’un milieu donné.
Modes alternatifs