3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation

Gouvernance et instances Chapitre 1 / 5

Chapitre 11

La gouvernance coopérative

Nous entendons par « gouvernance » l’ensemble des règles qui permettent aux instances de décision et de gestion (assemblée des membres, conseil d’administration, direction générale, comités, etc.) de travailler efficacement ensemble afin d’assurer le bon fonctionnement et le développement de la coopérative.

Section 11.1

Définition et objectifs

Organigramme coopérative habitation
Organigramme des coopératives habitation

La gouvernance a pour but de déterminer les orientations, de s’assurer que les objectifs sont atteints, que les risques sont gérés comme il faut et que les ressources sont utilisées adéquatement pour réaliser la mission de la coopérative.

La gouvernance coopérative suppose de plus un fonctionnement où les membres sont adéquatement informés et ont la possibilité de s’impliquer dans la prise de décision et dans la gestion de la coopérative.

Capsule vidéo: Responsabilité mutuelle

Section 11.2

Les instances de décision et de gestion d'une coopérative d'habitation

En tant que personne morale, votre coopérative s’exprime, prend des décisions et gère par l’intermédiaire de différentes instances :

  • Assemblée des membres (voir le chapitre 12) : Il s’agit de l’instance où l’ensemble des membres peuvent s’exprimer et exercer leur pouvoir décisionnel. L’assemblée détermine par règlement le fonctionnement général de la coopérative. Elle exerce également un certain contrôle sur les décisions et les actions du conseil d’administration. Son pouvoir n’est restreint par aucune autre instance de la coopérative. L’assemblée doit néanmoins agir conformément à la Loi. Ainsi, elle ne peut exercer elle-même un pouvoir que la Loi réserve exclusivement au conseilVoir la sous-section ''Pouvoir des administrateurs'' (Sous-section 13.3.1).
Tableau comparatif
  • Conseil d’administration (voir le chapitre 13) : Les administrateurs sont élus par l’assemblée générale. Au nom des membres, le conseil administre les affaires de la coopérative sur le plan tant associatif, qu’immobilier ou financier. Il supervise le travail des comités et, le cas échéant, de la direction générale. Le conseil rend compte de son administration aux membres, notamment lors de l’assemblée générale annuelle.
  • Dirigeants (voir le chapitre 14) : Nommés par le conseil d’administration, les dirigeants assument des responsabilités spécifiques. Les postes de dirigeants usuels sont : le président, le vice-président, le secrétaire, le trésorier et, le cas échéant, le directeur général.
  • Direction générale Voir la sous-section Directeur général ou gérant -Sous-section 14.3.5: Certaines coopératives d’habitation embauchent une personne afin d’assumer la direction générale de la coopérative. La direction générale, sous la supervision du conseil d’administration, voit à la gestion quotidienne de la coopérative. Elle est responsable, entre autres, de l’embauche et de la supervision des employés de la coopérative, si tel est le cas.
  • Comités (voir le chapitre 15) : Les comités interviennent habituellement dans des domaines qui sont de la compétence du conseil d’administration et relèvent de ce dernier. En principe, c’est donc au conseil qu’il revient de nommer les membres et les responsables des comités Dans le cas des coopératives du Programme sans but lucratif privé (PSBL-P), les membres du comité de gestion de la sélection doivent être nommés par l’assemblée des membres (Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique, art. 54). Rien n’empêche cependant l’assemblée de recommander au conseil d’administration la constitution d’un comité. Les comités sont mandatés pour assumer certaines responsabilités et accomplir certaines tâches, soit sur une base permanente (comités permanents), soit temporairement (comités ad hoc). Les comités permanents agissent dans des domaines spécifiques tels la sélection des membres, l’entretien et la gestion financière. Ils disposent d’un pouvoir décisionnel restreint et doivent se rapporter au conseil d’administration.

Convention d’administration

La Loi sur les coopératives permet, à certaines conditions, à l’assemblée des membres d’administrer les affaires de la coopérative au moyen d’une convention d’administration par les membres. Les membres, réunis en assemblée, exercent alors les pouvoirs normalement dévolus au conseil d’administration .

Fiche juridique

Section 11.3

La constitution d'une bonne gouvernance coopérative

Votre coopérative adhère aux valeurs et aux principes reconnus par les coopératives à travers le monde. Ceux-ci devraient se refléter et s’incarner dans l’ensemble des décisions prises par la coopérative, ainsi que dans chacune des actions qu’elle entreprend.

Les administrateurs, les dirigeants, les employés ainsi que les membres des différents comités de la coopérative adhèrent de plus à des normes d’intégrité, de transparence et d’impartialité. Cela signifie qu’ils s’engagent, notamment, à :

  • Agir dans le seul intérêt de la coopérative et faire abstraction de leur intérêt personnel propre ou de celui d’un tiers;
  • Exercer leurs fonctions avec bonne foi, honnêteté, loyauté et équité;
  • Prendre des décisions avec indépendance, impartialité et objectivité, indépendamment de toute pression ou influence externe;
  • Respecter le caractère confidentiel de l’information reçue dans l’exercice de leurs fonctions.

Une gouvernance démocratique

Un des traits distinctifs de la formule coopérative découle du caractère démocratique de sa gouvernance. La démocratie coopérative suppose que chaque membre dispose d’un pouvoir égal, sans égard au nombre de parts qu’il détient, à son statut social, à son ancienneté dans la coopérative ou à tout autre critère discriminant (genre, âge, origine ethnique, croyance religieuse, etc.). Ce principe est matérialisé par l’adage « un membre, un vote ». Une gouvernance démocratique repose également sur le fait que l’ensemble des membres dispose de l’information nécessaire à une prise de décision éclairée. Enfin, les administrateurs et les membres de comités doivent faire preuve de transparence dans la gestion de la coopérative et rendre compte aux membres de leur gestion.

Une structure de gestion adaptée

Sauf en ce qui concerne l’assemblée des membres et le conseil d’administration, il n’existe pas de modèle unique de structure convenant à toutes les coopératives d’habitation. Votre coopérative devrait se doter d’une structure de gestion qui correspond à sa réalité (nombre de logements, clientèles desservies, services offerts, etc.) et qui répond aux besoins des membres. Ainsi, la mise sur pied de comités devrait servir à alléger le travail du conseil d’administration en déléguant certaines responsabilités et tâches à un groupe de membres, et non pas à alourdir le processus de décision et de gestion. De même, un comité exécutif n’est généralement d’aucune utilité, sauf, exceptionnellement, dans le cas de certaines coopératives de très grande taille.

La cohésion entre les instances

Pour être efficaces, les différents organes de décision et de gestion doivent agir de concert, selon une structure connue de tous. Leurs décisions et leurs actions doivent se compléter au lieu d’entrer en concurrence les unes avec les autres. Les instances de la coopérative doivent de plus établir entre elles des canaux de communication efficaces.

Des rôles et des pouvoirs bien définis

Chaque composante de la structure doit connaître exactement son rôle, les limites de ses pouvoirs, de ses responsabilités et de ses tâches. Dans le cas de l’assemblée des membres et du conseil d’administration, la Loi sur les coopératives détermine en partie la répartition des pouvoirs. Par exemple, c’est l’assemblée qui nomme l’auditeur (ou vérificateur) (L.c., art. 76), mais c’est le conseil d’administration qui, seul, a le pouvoir d’approuver les états financiers (L.c., art. 133). Les règlements et les politiques de la coopérative complètent cette répartition. Les mandats, responsabilités et tâches des différents comités de la coopérative sont, quant à eux, définis principalement dans les politiques de la coopérative.

Une communication efficace entre les intervenants

La communication est un élément clé d’une saine gouvernance. Chacun des intervenants doit être en mesure d’exprimer clairement ses attentes, ses objectifs, ses contraintes, etc. De même, chacun devrait savoir ce que les autres font. On évite ainsi, par exemple, que deux intervenants entreprennent la même tâche!

Une gestion responsable

Le rôle de chaque intervenant au sein de votre coopérative est important et doit être accompli avec soin et diligence. Pour qu’il en soit ainsi, la coopérative doit :

  • S’assurer que ses membres, administrateurs, dirigeants et employés possèdent les compétences et les outils nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions respectives (voir le chapitre 7);
  • Reconnaître ses limites, en faisant appel, au besoin, à des ressources détenant l’expertise pertinente;
  • Évaluer régulièrement la qualité du fonctionnement de toutes les instances et des intervenants.

Le respect des obligations légales et des engagements

Lorsqu’elle se trouve en défaut de respecter ses obligations et ses engagements, votre coopérative se place dans une position de vulnérabilité qui pourrait même, dans certains cas, menacer sa survie. Également, il faut habituellement beaucoup plus de temps pour régulariser la situation que pour se conformer aux règles dès le départ. C’est pourquoi votre coopérative devrait toujours :

  • Se conformer à l’ensemble des lois adoptées par les autorités publiques (ex. : Loi sur les coopératives, Code civil du Québec, etc.);
  • Transmettre à temps les documents et informations exigés par les ministères ou agences gouvernementales (ex. : transmission du rapport annuel à la Direction de l’entrepreneuriat du ministère de l’Économie et de l’Innovation, mise à jour du dossier de la coopérative auprès du Registraire des entreprises, etc.);
  • Agir en conformité avec ses propres règlements et politiques (ex. : convocation des assemblées générales dans le délai prévu au Règlement de régie interne, attribution des logements vacants en suivant le processus de sélection prévu dans ses politiques, etc.);
  • Respecter les obligations qu’elle a contractées auprès des tiers (ex. : convention d’exploitation, emprunt hypothécaire, etc.).

Des règles de fonctionnement clairement définies

Afin que la structure de décision et de gestion de la coopérative soit efficace, il importe que cette dernière adopte des règles claires et qu’elle les communique à l’ensemble des intervenants (membres, administrateurs, etc.). Les règlements et les politiques doivent être régulièrement revus afin de refléter l’évolution des besoins et de la réalité quotidienne de la coopérative et de ses membres, tout en demeurant conformes à la Loi.

Une évaluation périodique

Pour être en mesure de corriger ses lacunes, d’améliorer son fonctionnement et de se développer, votre coopérative doit connaître l’état de situation concernant, entre autres :

  • La satisfaction des membres;
  • La participation et l’implication des membres;
  • La qualité du fonctionnement du conseil d’administration et des comités;
  • Les immeubles qu’elle possède;
  • Sa gestion financière.

Même si toute démarche d’évaluation suscite naturellement une certaine crainte, elle est le plus souvent porteuse de changements positifs pour la coopérative et ses membres.


Section 11.4

Développer une approche stratégique

Adopter une approche stratégique signifie simplement prendre un peu de recul par rapport à la gestion quotidienne de votre coopérative, afin de mieux connaître ses forces, ses faiblesses, l’environnement dans lequel elle évolue, etc. Une telle approche vise aussi à définir une vision d’avenir et des orientations pour la coopérative, ainsi qu’à définir la mission et les valeurs auxquelles ses membres souhaitent adhérer. Ultimement, l’exercice devrait mener à un plan d’action pour la coopérative.

Pourquoi entreprendre une telle démarche?

Pris dans le feu de l’action et submergé par les tâches à accomplir, vous vous dites que votre coopérative n’a surtout pas le temps pour un tel exercice. Nous suggérons qu’au contraire, lorsque la gestion quotidienne occupe toute la place, au détriment d’une prise de décision stratégique, une pause devient nécessaire pour y voir plus clair et corriger ce qui ne va pas.

Voici ce qu’une réflexion stratégique permet de faire :

  • Mieux connaître les possibilités et les limites de la coopérative;
  • Se donner une vision claire de la vie coopérative à long terme;
  • Identifier les enjeux prioritaires de la coopérative (détérioration des immeubles, évolution des taux d’intérêt, vieillissement des membres, etc.);
  • Être prêt à réagir à des phénomènes majeurs (ex. : sinistre important, épidémie, etc.);
  • Déterminer les orientations stratégiques de santé associative, financière et immobilière pour les trois ou cinq prochaines années;
  • Engendrer un sentiment de sécurité et de cohérence au sein de l’organisation;
  • Augmenter la crédibilité de la coopérative auprès de ses partenaires;
  • Mettre au point des méthodes de suivi et de contrôle.

Comment cela se déroule-t-il?

L’approche stratégique peut prendre diverses formes adaptées à la réalité de votre coopérative. Il peut s’agir de tenir une assemblée extraordinaire pour réfléchir sur les orientations à court, moyen et long terme, d’un bilan de santé, d’un diagnostic organisationnel ou encore d’une démarche de planification stratégique plus formelle.

Procédure

Un plan d’action réaliste

Afin que la démarche stratégique de votre coopérative ne finisse pas sur une tablette, il est essentiel qu’elle conduise à l’élaboration, à l’adoption et à la mise en œuvre d’un plan d’action permettant de transposer les orientations adoptées jusque dans la gestion quotidienne.

Utilité du plan d action

Le plan d’actionVoir la documentation pour un modèle de plan d'actiondevrait être actualisé annuellement, afin de tenir compte, entre autres :

  • Des résolutions adoptées par l’assemblée des membres;
  • De l’évolution des dossiers entrepris;
  • Des risques et des récentes opportunités;
  • Des nouvelles activités projetées par la coopérative.

Pour chaque activité de la coopérative, le plan d’action devrait indiquer :

  • Une très brève description de l’activité et des tâches qu’elle comprend;
  • Le nom de la personne ou de l’instance responsable;
  • Le moment ou l’échéance où l’activité doit être réalisée;
  • L’état d’avancement de l’activité ou du projet ainsi que les résultats obtenus.

De plus, d’un point de vue pragmatique, la coopérative doit prévoir des ressources humaines et financières qui permettront de matérialiser le plan d’action.

Qui prend part à une démarche de réflexion stratégique?

Puisqu’une coopérative existe pour et par ses membres, ceux-ci sont naturellement concernés au premier chef par la démarche de planification stratégique. Il importe que cette démarche soit participative, en recueillant les perceptions et les idées de l’ensemble des membres de la coopérative. Cela permettra de susciter la mobilisation et d’augmenter le sentiment d’appartenance des membres. Ultimement, ce sont eux qui adopteront la planification et les orientations qui en découlent. Le conseil d’administration et, le cas échéant, la direction générale de la coopérative seront également très impliqués dans le processus, notamment pour la mise en œuvre qui passera d’abord par l’élaboration d’un plan d’action.

Il est recommandé de faire appel à une ressource externe pour accompagner la coopérative dans sa démarche de réflexion stratégique. Les fédérations régionales de coopératives d’habitation sont fréquemment appelées à jouer ce rôle et leur connaissance de l’habitation coopérative facilitera la démarche. Rappelez-vous cependant que la démarche stratégique appartient d’abord et avant tout à la coopérative et à ses membres.


POUR EN SAVOIR UN PEU PLUS …

Confédération québécoise des coopératives d’habitation, 2013, Les pratiques de bonne gouvernance, 6 pages.

 

Fédération de l’habitation coopérative (FHCC), Une charte de la bonne gouvernance pour les coopératives d’habitation, 2012, 8 pages.

Me Philipe Morissette, « Le partage des pouvoirs et les conflits de rôles au sein d’une coopérative », article paru dans la revue Les COOPs d’habitation, octobre 2017.

Roméo Malenfant, Éditions DPRM, 2018, La Gouvernance et le conseil d’administration d’un OSBL, 7e édition.

Véronique Saint-Pierre (HEC Montréal), 2016, La dyade Président – Directeur général dans les coopératives : une approche par le leadership pluriel, mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maîtrise ès sciences, 199 pages.

CHAPITRE 10

Interruption du statut de membre

CHAPITRE 12

L’assemblée des membres