3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation

Membres Chapitre 5 / 6

Chapitre 9

Prévenir et gérer les conflits

Les conflits non résolus ou mal résolus représentent pour une coopérative d’habitation une cause de difficulté ou de crise qui, dans certains cas, peuvent menacer la survie même de la coopérative. Dans ce chapitre, nous chercherons à mieux comprendre ce qu’est un conflit, à identifier des façons de les prévenir et d’assurer une saine gestion des conflits.

Section 9.1

Comprendre les conflits

Afin de pouvoir mieux prévenir et résoudre les conflits, il importe d’en comprendre d’abord la nature et les principaux mécanismes caractéristiques.

9.1.1. - Nature du conflits

Un conflit survient lorsqu’une personne (ou un groupe de personnes) a le sentiment que ses préoccupations, ses croyances ou ses intérêts sont ou semblent incompatibles avec ceux d’une ou de plusieurs autres personnes, voire avec ceux du reste du groupe. Cette personne a un besoin (légitime ou non) et tente de le satisfaire. Elle peut le faire de façon consciente et rechercher activement à atteindre son but ou bien le faire inconsciemment en réagissant à des situations de manière agressive et imprévisible.

9.1.2. - Un phénomène naturel et inévitable

Dans une coopérative d’habitation, comme dans n’importe quel groupe, on trouve des différences, parfois importantes, quant aux préoccupations, aux croyances et aux intérêts des individus qui la composent. Ces différences ne créeront pas nécessairement un conflit insurmontable, mais il est inévitable que des différends surviennent. Même si la nature ou l’essence du conflit varie et que le contexte émotif diffère, les litiges doivent être traités et résolus pour pouvoir aller de l’avant.

Lorsque nous avons compris que le conflit est un phénomène naturel, nous pouvons passer à l’étape suivante, qui consiste à trouver l’origine du conflit pour mieux le résoudre.

9.1.3. - Le conflit: élément destructeur ou opportunité à exploiter

Le conflit est un facteur de croissance personnelle ou organisationnelle. En effet, la recherche de règlement d’une situation conflictuelle offre la possibilité aux parties concernées de se questionner et d’améliorer leur façon d’être et leurs façons de faire. Au sortir d’une situation conflictuelle réglée, les parties ont changé et ont grandi.

La façon dont nous réagissons au conflit et dont nous le gérons déterminera si le résultat sera destructif ou constructif.

Un conflit destructif?

Servez-vous de ce petit guide pour évaluer votre gestion des conflits.

Un conflit est destructif quand :

  • Il n’y a pas de décision ni de changement de comportement et que le problème demeure;
  • Il détourne les énergies d’activités ou de problèmes plus importants;
  • Il attaque le moral des personnes et des groupes;
  • Il renforce une mauvaise perception de soi;
  • Il divise les gens encore davantage et polarise les groupes;
  • Il donne lieu à des comportements irresponsables, parfois agressifs et violents.

Un conflit est constructif quand :

  • Il fait participer davantage toutes les personnes touchées par le conflit;
  • Il permet d’aborder le problème et de l’éclaircir;
  • Il permet de trouver des solutions de rechange;
  • Il permet de résoudre le problème;
  • Il sert à libérer les émotions, l’anxiété et les tensions refoulées;
  • Il renforce la cohésion entre les membres du groupe;
  • Il aide les individus et le groupe à croître et appliquer les leçons apprises à des conflits futurs.

9.1.4. - Principales sources de conflits dans les coopératives d'habitation

Les conflits au sein des coopératives d’habitation tirent leur origine de différentes situations. Certaines d’entre elles sont communes à toute organisation, d’autres sont plus spécifiques à l’habitation coopérative.

  • Les personnalités : les conflits, notamment les conflits interpersonnels, vont parfois tirer leur source simplement de la personnalité des individus. Certains sont plus enclins à entrer en conflit avec les autres. Soit qu’ils y voient un moyen de s’imposer pour atteindre leurs objectifs, soit par manque d’empathie, par intérêt individualiste ou plus simplement en raison d’un caractère plus impulsif, agressif, etc. Malheureusement, il n’est pas toujours facile de détecter ces traits de caractère lors de la sélection et, peut-être encore davantage de modifier ce genre de comportement. La coopérative doit alors imposer des limites claires afin d’assurer son bon fonctionnement et la qualité de vie de ses membres.
  • Le pouvoir : certaines personnes voient dans la coopérative une occasion d’exercer un pouvoir sur les autres. Cela peut affecter grandement le fonctionnement de la coopérative, par exemple au sein du conseil d’administration ou de comités.
  • L’argent : comme partout ailleurs, les questions d’ordre financier ou portant sur d’autres avantages matériels (ex. : les réparations aux logements) peuvent être la source de nombreux différends. Des règles claires et le respect du fonctionnement démocratique représentent de bons antidotes pour prévenir de tels conflits.
  • La participation (ou non-participation) : les sujets entourant la participation des membres constituent sans aucun doute l’une des causes les plus fréquentes de litiges et de conflits interminables dans les coopératives d’habitation. Pour en savoir plus sur le sujet, nous vous invitons à consulter le chapitre 8.
  • Les troubles de voisinage : les « chicanes de voisins » (ex. : bruit prétendument excessif, animaux, usage du tabac ou du cannabis, stationnement, etc.) sont aussi une cause fréquente de litiges dans les coopératives d’habitation, comme c’est le cas d’ailleurs dans d’autres formules d’habitation. L’adoption, la communication et l’application de règles claires contribuent à réduire le nombre, l’intensité et la durée de tels conflitsPour en savoir plus sur les troubles de voisinage, consultez ''Jouissance paisible de lieux'' (Sous-section 18.5.3).
  • Le non-respect de la vie privée : la vie privée est reconnue dans notre société comme un droit fondamentalVoir sous-section ''La Charte des droits et libertés de la personne'' (Sous-section 3.1.1). La coopérative ne devrait en aucun cas agir de manière à violer ce droit ou tolérer qu’un membre commette une telle atteinte.
  • Divergence de points de vue sur la gestion de la coopérative : dans une structure démocratique comme une coopérative, il est normal et sain que les individus expriment des points de vue divergents quant à la gestion et au développement de l’entreprise. Il importe de rappeler à chacun des membres qu’en adhérant à la coopérative, ils ont accepté le fait que les décisions (bonnes ou mauvaises) se prennent à la majorité.

9.1.5. - Cycle habituel des conflits

Les conflits évoluent généralement selon un cycle que l’on peut décrire en cinq étapes. On peut intervenir à chacune des étapes pour désamorcer le conflit. Plus on attend, plus cela devient difficile et plus il y a risque de rupture. Voici comment cela se déroule typiquement :

  1. Une personne ou un groupe a un besoin qui n’est pas satisfait et croit qu’une autre personne ou un autre groupe s’oppose à ses intérêts. Cette personne ou ce groupe insatisfait développe des croyances et des attitudes à propos de cette autre personne ou de cet autre groupe;
  2. Les deux parties croient savoir pourquoi l’autre agit comme il le fait. Chaque partie prête des intentions à l’autre;
  3. Les personnes réagissent avec colère. D’autres s’impliquent. Le conflit devient un accroc;
  4. Les deux parties se confrontent. Elles se parlent sans se comprendre. Le conflit devient une confrontation;
  5. La communication est rompue, plus personne ne se parle. Si personne ne s’occupe de la situation, le conflit se transforme en crise.
Cycle habituel des conflits
Cycle habituel des conflits

Section 9.2

Structurer les interventions

Les interventions de la coopérative en matière de prévention et de règlement des différends sont principalement organisées autour du comité de bon voisinage (CBV) et d’une politique qui encadre le travail de ce comité.

9.2.1. - Comité de bon voisinage

Le conseil d’administration de la coopérative a la responsabilité de prévenir les conflits et d’en faciliter le règlement. Il peut cependant déléguer à un comité (ex. : le comité de bon voisinage) une partie des responsabilités et des tâches en lien avec la gestion des conflitsVoir la documentation pour un modèle des rôles et mandats du comité du bon voisinage.

Le comité de bon voisinage est composé d’au moins trois membres, nommés par le conseil. Habituellement, un des membres du comité est administrateur de la coopérative.

Le mandat du comité consiste à :

  • Favoriser un climat de bonnes relations entre les résidents de la coopérative;
  • Soutenir et coordonner les activités de promotion de bon voisinage;
  • Assumer certaines responsabilités en matière de trouble de voisinage, sous la supervision du conseil d’administration.

Le mandat et les responsabilités du comité sont précisés dans la Politique de gestion du comité de bon voisinage.

Les règles générales concernant le fonctionnement des comités sont décrites au chapitre 15.

9.2.2. - Politique de gestion du comité de bon voisinage

Le conseil d’administration peut adopter une politique de bon voisinage afin d’organiser la prévention et la résolution des conflits au sein de la coopérativeVoir la documentation pour un modèle de politique de gestion du comité de bon voisinage. La politique prévoit normalement :

  • La constitution d’un comité de bon voisinage;
  • La composition et le fonctionnement du comité de bon voisinage;
  • La définition du mandat et des responsabilités du comité de bon voisinage;
  • La formation des membres du comité de bon voisinage;
  • Les mandats du responsable et du secrétaire du comité de bon voisinage;
  • Le traitement des demandes de résolution des différends.

Section 9.3

Prévenir les conflits

Même si on ne peut éviter complètement les conflits, il est possible d’en réduire le nombre et l’intensité. Voici quelques pratiques que votre coopérative aurait intérêt à adopter.

9.3.1. - Définir des règles claires, les communiquer et les appliquer équitablement

Nous avons vu précédemment que les conflits étaient souvent engendrés par des attentes non satisfaites. En définissant de façon claire les règles, en les communiquant aux membres et en appliquant ces règles de façon constante, la coopérative sera en mesure d’atténuer les frustrations et les mésententes en lien avec les attentes des individus.

Des règles claires, adoptées démocratiquement, réduisent les interprétations et les risques que certaines décisions soient perçues comme étant arbitraires, discriminatoires ou prises de mauvaise foi.

C’est pourquoi il est essentiel d’adopter et de maintenir à jour des règlements et politiques adaptés à la réalité de votre coopérative. À la suite d’une situation conflictuelle, votre coopérative devrait envisager la possibilité d’apporter des améliorations aux règles en vigueur ou de préciser celles-ci afin de prévenir la survenance de conflits analogues pour l’avenir. Pour savoir comment procéder pour modifier vos règlements et politiques, consultez le chapitre 4.

9.3.2. - Informer et former les membres

En informant et en formant adéquatement ses membres sur ce qu’est une coopérative, son fonctionnement et les règles auxquelles elle doit se conformer, la coopérative créer en quelque sorte une « culture commune ». Cela permettra d’éviter plusieurs mésententes.

Assurez-vous que tous les membres aient en main et comprennent l’information au sujet de :

  • La structure de fonctionnement;
  • La répartition des pouvoirs et des devoirs entre les intervenants et les instances;
  • Les règlements et les politiques;
  • Les rôles et les responsabilités des administrateurs et des responsables des comités;
  • Les décisions prises par le conseil d’administration relatives à la gestion générale.

Pour en savoir plus sur l’information et la formation, consultez le chapitre 7.

9.3.3. - Se doter d'une structure de fonctionnement efficace

Des rôles bien définis, une cohésion et une communication efficace au sein des instances, de même qu’une réponse rapide aux demandes des membres contribuent à réduire les tensions et les frustrations. Mettez en place une structure de fonctionnement où :

  • Le partage des rôles et les différents liens entre l’assemblée des membres, le conseil d’administration et les comités sont bien définis;
  • Les niveaux de responsabilités sont bien établis afin d’éviter les frictions entre le conseil et les comités;
  • Les comités sont redevables de leurs activités au conseil d’administration qui est la seule instance décisionnelle à part l’assemblée. Leurs mandats, leurs pouvoirs et leurs responsabilités doivent être clairs. Cependant, le conseil doit laisser agir les comités à l’intérieur du cadre qui a été défini;
  • Les instances appliquent de façon cohérente les règles établies;
  • Les bonnes personnes sont aux bonnes places;
  • Les décisions sont prises rapidement.

Le chapitre 11 traite plus en détail la structure de fonctionnement d’une coopérative d’habitation.

9.3.4. - Éviter de personnaliser les échanges avec les membres

Lorsqu’un membre vous interpelle, répondez aux questions posées en vous référant aux lois, aux règlements, aux politiques ou aux conseils reçus de votre fédération. Adressez-vous aux bonnes personnes et consultez les bons documents.

Lorsqu’un administrateur (incluant le président) est interpellé par un membre au sujet d’une décision prise à son endroit, le membre ne doit pas avoir l’impression que la décision a été prise par cet administrateur. Celui-ci s’adresse au membre au nom du conseil, à la suite d’une décision prise dans le cadre d’une réunion dûment tenue.

Lorsque la situation s’envenime, l’accompagnement par un tiers telle votre fédération peut aider à dépersonnaliser la situation. Vous augmentez ainsi vos chances de faire baisser d’un cran la tension et de désamorcer le conflit.

9.3.5. - Développer une culture de communication

Inciter les membres à communiquer leurs attentes

Rappelez-vous : derrière les attitudes fermées, les reproches, les critiques envers le conseil d’administration ou envers un autre membre se cachent le plus souvent des besoins ou des aspirations non exprimés. La coopérative doit mettre en place des mécanismes et, surtout, une culture où les personnes se sentent à l’aise de faire part aux bonnes personnes de leurs besoins et de leurs préoccupations (ex. : boîte à suggestions, sondage auprès des membres, tenue d’assemblées extraordinaires).

Article

Les plaintes ou critiques à l’égard du conseil d’administration ou entre les membres prendront alors davantage la forme de demandes ou de préoccupations précises, auxquelles il est plus facile de donner satisfaction.

Si possible, amenez les membres à formuler leurs demandes ou leurs plaintes par écrit à l’attention du conseil d’administration. La réponse de la coopérative devrait, elle aussi, être faite par écrit. Ainsi, on évitera d’ajouter une mauvaise interprétation des faits à une situation déjà délicate.

Dans certaines situations, l’organisation d’une assemblée extraordinaire pour faire le point et mettre les choses au clair peut désamorcer un conflit et faire taire les rumeurs et les faussetés.

Être à l’écoute des besoins des membres

Le conseil d’administration et, dans une certaine mesure, les comités de la coopérative doivent être en mesure de recevoir avec ouverture les demandes formulées par les membres. Il en est de même à l’égard des critiques constructives faites par ceux-ci. Les administrateurs et gestionnaires ne devraient pas adopter une attitude défensive, mais plutôt opter pour de l’ouverture et une recherche de solution.

Parlez ouvertement au conseil ou à l’assemblée des informations qui circulent dans la coopérative. Encouragez les membres à venir rencontrer le conseil pour discuter de leurs inquiétudes face à la gestion de la coopérative, convoquez-les au besoin. Ne laissez pas le placotage et les rumeurs ravager le climat de la coopérative et risquer d’instaurer un conflit. Agissez rapidement et selon la procédure établie par la coopérative.

Une fois qu’un membre a clairement exprimé un besoin ou une attente, la coopérative, par l’entremise du conseil d’administration, de ses comités et, s’il a lieu, de son personnel, doit y donner suite avec rigueur et diligence.

 

9.3.6. - Voir venir les conflits et ne pas laisser traîner les choses

Détecter les signes avant-coureurs et les indices de conflits

Dans les coopératives d’habitation, il y a des signes qui ne trompent pas. Lorsqu’ils sont présents, c’est probablement parce qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Voici quelques exemples de signes avant-coureurs :

  • Propension accrue aux reproches et intolérance à l’erreur;
  • Rumeurs qui circulent;
  • Augmentation des plaintes au conseil d’administration;
  • Agressivité inhabituelle entre les membres;
  • Nombre anormalement élevé de démissions au sein des comités.

Ces indices sont souvent révélateurs d’un malaise au sein de la coopérative. Il vaut mieux s’en occuper le plus vite possible. De petits accrocs peuvent rapidement se transformer en crises qui affectent le fonctionnement entier de la coopérative s’ils ne sont pas gérés à temps.

Intervenir pour résoudre les conflits

En matière de résolution de conflits, l’approche de l’autruche (mettre sa tête dans le sable) ou celle de la tortue (rentrer la tête sous la carapace) ne servent à rien, bien au contraire. Les conflits ne se règlent généralement pas d’eux-mêmes.

Il faut :

  • Reconnaître l’existence d’un conflit;
  • Éviter la fuite;
  • Agir rapidement.

Y a-t-il des signes avant-coureurs de conflits dans notre coopérative?

Les administrateurs ont le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond. Mais ils ne savent pas quoi. Posez-vous les questions suivantes afin de détecter s’il y a une possibilité de situations conflictuelles.

Vos réponses détermineront l’ampleur de la situation et des actions à entreprendre. Des trucs sont donnés dans ce guide. Si votre cas semble plus sérieux, consultez votre fédération pour obtenir un véritable diagnostic.

  • Y a-t-il des rumeurs qui circulent?
  • Y a-t-il une augmentation des plaintes des membres?
  • La participation aux assemblées a-t-elle diminué?
  • Avez-vous plus de difficulté à combler les postes de responsables de comités?
  • Est-ce toujours les mêmes personnes qui se rassemblent pour discuter en ayant l’air de comploter?
  • Les membres haussent-ils le ton lors des assemblées?
  • Est-il difficile de former un conseil d’administration complet?
  • Est-il difficile de former les comités?
  • Les comités se réunissent-ils aussi souvent qu’ils le doivent?
  • Les dossiers et les documents de la coopérative sont-ils toujours en ordre et facilement accessibles et disponibles?
  • Recevez-vous plus souvent des lettres de rappel des prêteurs ou du gouvernement?

 


Section 9.4

Résoudre les conflits

La coopérative fait de son mieux pour prévenir les conflits. Elle est à l’écoute de ses membres et de ce qui se passe dans le groupe. Et malgré tout, certains conflits apparaissent : de petites disputes, des confrontations et quelquefois de véritables crises. La coopérative doit être en mesure de gérer ces situations.

9.4.1. - Résolution à l'interne

Certains conflits peuvent être résolus sans faire appel à une aide extérieure. La coopérative doit cependant s’assurer d’être bien outillée et de comprendre la complexité possible de la démarche. Voici quelques règles générales pour vous guider.

Avoir les compétences nécessaires

La gestion des conflits, même les plus petits, peut s’avérer une tâche extrêmement difficile, voire impossible pour certains. Sans un minimum de connaissances, on improvise, on tâtonne, quelques fois avec un certain succès, mais le plus souvent sans résultat durable. Plus grave encore, l’intervention de la coopérative pourrait empirer les choses!

La coopérative devrait par conséquent s’assurer que chaque personne appelée à intervenir dans la gestion des conflits (ex. : administrateurs et membres du comité de bon voisinage) ait reçu une formation minimale en résolution de conflits. Informez-vous auprès de votre fédération afin de vérifier si elle offre une telle formation. Sinon, votre fédération sera en mesure de vous référer à des organismes qui offre de telles formations dans votre région.

Méfiez-vous des rumeurs!

Lorsque survient un litige, des tiers pourraient vous induire en erreur sur la nature du problème ou sur la responsabilité supposée des personnes impliquées. Votre démarche devrait reposer uniquement sur les faits qui sont à votre connaissance ou que vous avez été en mesure de vérifier.

De même, assurez-vous de recueillir la version de chacune des parties impliquées.

Procédure

Appliquez les règles

À partir du moment où vous aurez été en mesure de vous faire une meilleure idée de la situation, vérifiez si la loi ou les règlements et politiques de la coopérative prévoient des règles qui s’appliquent à cette situation. N’hésitez pas à recourir aux services des conseillers de votre fédération.

Le cas échéant, assurez-vous que les parties impliquées comprennent ces règles. Souvent, cette démarche va permettre de passer plus facilement à une autre étape de la résolution d’un conflit, ou même, parfois, de réellement régler le problème.

Démasquer les attentes

La plupart du temps, les personnes impliquées dans un conflit vont mettre de l’avant des « positions », qui se traduisent souvent par des reproches ou des exigences, par la réclamation d’un droit ou d’une liberté. Fréquemment irréconciliables, ces prises de position nuisent à la résolution du problème, car elles en masquent les véritables causes.

Vous devrez donc amener les personnes impliquées à exprimer leurs attentes ou besoins véritables. Pour y parvenir, il faut :

  • Établir des règles de communication afin de favoriser un climat harmonieux;
  • Poser des questions pour « mieux comprendre »;
  • Amener les personnes impliquées à exprimer leurs sentiments et leurs émotions et à écouter l’autre;
  • Inciter les parties à faire preuve d’ouverture et d’empathie, malgré des messages négatifs.

Trouver ensemble une solution

Amenez les personnes impliquées non pas à rechercher la solution idéale pour elles-mêmes, mais plutôt à rechercher conjointement une solution qui permette à chacune des parties d’obtenir, au moins partiellement, satisfaction.

9.4.2. - Limites de l'intervention de la coopérative

Certaines situations conflictuelles ne peuvent être résolues par la coopérative, soit parce qu’elles ne relèvent pas de sa juridiction, soit parce que la coopérative n’est pas en mesure d’intervenir.

Les conflits personnels entre les membres

Le conseil d’administration peut être sollicité afin d’intervenir dans le règlement de différends qui ne relèvent pas de son mandat de gestion de la coopérative, comme des conflits de nature purement personnelle entre deux membres.

A priori, les conflits de personnalité entre les membres ne concernent pas la coopérative. Cependant, celle-ci devrait envoyer un message clair aux parties, les invitant à régler leurs problèmes et à faire en sorte que ceux-ci ne nuisent pas aux affaires et au climat de la coopérative. Elle peut également leur proposer un mode de résolution de conflits telle la médiation.

Il peut cependant survenir des situations où la coopérative serait justifiée d’intervenir dans un conflit personnel entre les membres, par exemple :

  • Lorsque la responsabilité de la coopérative risque d’être engagée, par exemple dans le cas d’un trouble à la jouissance paisible d’un logement Voir la sous-section ''Jouissance paisible des lieux'' (Sous-section 18.5.3);
  • Lorsqu’une des parties ou les deux contreviennent à des normes d’ordre public (ex. : règlement municipal), aux règlements ou aux politiques de la coopérative (ex. : Règlement d’immeuble);
  • Lorsque le conflit risque de dégénérer en crise ou en guerre de clans au sein de la coopérative;
  • En cas de violence physique ou verbale, d’intimidation ou de harcèlement, de vol ou vandalisme, etc.

Dans certaines circonstances, la coopérative pourrait être amenée à imposer à une ou plusieurs des parties impliquées des sanctions telle la suspension ou l’exclusion comme membre, voire à demander la résiliation du bail.

Dans tous les cas, la coopérative devrait tenter de limiter les impacts négatifs des conflits personnels sur le fonctionnement de la coopérative, par exemple en évitant d’affecter les personnes impliquées à un même comité ou à un même projet.

Les conflits graves ou les crises

Lorsqu’une situation conflictuelle dégénère et menace le fonctionnement entier de la coopérative, il faut appeler à l’aide. Il existe plusieurs ressources détenant une expertise en résolution de conflits. Votre fédération peut vous aider en pareilles circonstances. Plusieurs fédérations offrent en effet des services de médiation ou d’aide à la résolution de conflits. Elles pourront également vous fournir des références pour du soutien.

Les crises et les conflits familiaux

La coopérative n’a pas à régler elle-même les problèmes personnels et familiaux de ses membres.

Elle ne peut non plus résoudre les situations découlant de problèmes sociaux ou de santé mentale (ex. : problèmes de dépendance, dépression, trouble d’accumulation compulsive (TAC), etc.). Au besoin, n’hésitez pas à faire appel aux proches des personnes concernées ou à communiquer avec des intervenants qualifiés (ex. : votre fédération, un intervenant en soutien communautaire, un centre local de santé et de services sociaux).

Guide: Troubles mentaux

Les gestes à caractère pénal ou criminel

La coopérative ne devrait en aucun temps tolérer quelque forme de violence physique ou psychologique, d’intimidation, de harcèlement (psychologique ou sexuel), de maltraitance ou d’abus entre les membres. Il est suggéré d’adopter une politique pour contrer ce type de comportementVoir la documentation pour un modèle de politique concernant le harcèlement, l'intimidation et la maltraitance.

De même, lorsque vous avez connaissance de la commission d’actes criminels ou d’infractions de nature pénale grave, vous devez en informer les autorités compétentes (police, direction de la protection de la jeunesse, etc.). Ce sera le cas, par exemple, des situations comportant :

  • De la violence conjugale;
  • De la maltraitance envers des aînés, des enfants ou d’autres personnes vulnérables;
  • Une agression sexuelle;
  • Un vol ou de la fraude.

9.4.3. - Recours à un tiers pour résoudre un conflit

Lorsque la coopérative n’est pas en mesure de résoudre par ses seuls moyens un conflit, elle ne doit pas hésiter à recourir à une aide extérieure. Il peut s’agir de votre fédération ou d’un autre organisme voué à l’aide à la résolution des différends.

Il existe, par ailleurs, plusieurs modes de règlements amiables des différends auxquels on peut avoir recours tels la négociation, un tiers facilitateur, la médiation, l’arbitrage.

La médiation : un mode privilégié de résolution des conflitsVoir la documentation pour un modèle de règlements sur les modalités de recours à la médiation

La médiation est un mode de résolution des conflits auquel on fait souvent appel, dans différents domaines (ex. : conflits de travail, conflits familiaux).

La Loi (art. 54.1 et art. 221.2.1) oblige toutes les coopératives d’habitation à adopter un règlement portant sur le recours à la médiation, dans le cas où un différend intervient entre la coopérative et un de ses membres. Les conflits impliquant exclusivement des membres ne sont donc pas couverts par ce règlement.

Qu’est-ce que la médiation?

La médiation est un mode de résolution des conflits par lequel un tiers impartial, le médiateur, intervient auprès des parties pour les aider à trouver une entente équitable et viable, répondant aux besoins de chacun et faisant l’objet d’un consentement libre et éclairé.

La médiation permet de développer et d’approfondir les besoins de chacune des parties, d’analyser ensemble plusieurs options de règlement et de choisir la solution la plus satisfaisante pour les parties. Le rôle du médiateur est d’aider les parties à trouver les solutions qui vont convenir à tous.

Ainsi, le médiateur va :

  • Faciliter la communication et encourager l’échange d’informations entre les participants;
  • Aider les participants à cibler les différentes facettes du conflit qui les oppose;
  • Permettre à chacun d’exprimer son point de vue et ses besoins, et d’entendre ceux de l’autre personne;
  • Favoriser la coopération des participants dans la recherche de solutions possibles à leur conflit.

La médiation doit toujours être volontaire pour toutes les parties impliquées.

La médiation citoyenne : une solution adaptée au modèle coopératif

La médiation citoyenne repose sur les mêmes principes que la médiation faite par un médiateur professionnel. Elle fait cependant appel à des médiateurs bénévoles appartenant à un milieu social donné (quartier, immeuble, municipalité, etc.). Dans cette vision de la médiation, les médiateurs font partie intégrante de la communauté.

Ayant reçu une formation et bénéficiant d’un encadrement professionnel de médiation, ces médiateurs citoyens sont alors en mesure d’accompagner leurs pairs dans la recherche d’une résolution de leurs conflits.

La médiation citoyenne a pour finalité d’amener les personnes impliquées à :

  • Acquérir et développer des compétences et des techniques permettant de gérer les conflits, favorisant du même coup la santé et le bien-être de tous;
  • Développer un environnement sain et sécuritaire, ainsi qu’une qualité de vie marquée par les valeurs de justice et de respect des différences;
  • Prévenir toute forme d’incivilité et de violence;
  • Promouvoir les valeurs entourant la pratique de la médiation (écoute, respect, communication, coopération dans la recherche de solutions, etc.);
  • Créer ou recréer des liens entre les personnes d’un milieu donné.
Modes alternatifs

POUR EN SAVOIR UN PEU PLUS …

Confédération québécoise des coopératives d’habitation, 2008, L’approche coopératrice pour agir positivement sur nos conflits – Afin que la vie en coopérative demeure agréable, 110 pages.

Confédération québécoise des coopératives d’habitation, 2012, Guide de bon voisinage, Comité de bon voisinage (CBV) pour les coopératives d’habitation, 36 pages.

Équijustice et Fédération des coopératives d’habitation de l’Estrie (FCHE), 2020, Guide de gestion en conflit en habitation, 23 pages.

François Van Hoenacker, « La chicane entre voisins : avez-vous pensé à la médiation citoyenne », article mis en ligne en août 2012 par Protégez-vous.

Josée Latendresse en collaboration avec Nathalie St-Pierre, Centre 1,2,3 GO!, Faire face aux conflits, 12 pages.

Luc Brunet, Université de Montréal, 2015, Le conflit est inévitable, 20 pages.

Me Eric David, 2008, Violence au sein des coopératives – La démocratie en péril.

Mei (Site internet), La coopérative et ses membres…de la lune de miel à la relation conflictuelle.

Vincent Roy, CQCH, 2005, L’arbitrage et les autres modes alternatifs e règlement des différends, 48 pages.

CHAPITRE 8

Participation des membres

CHAPITRE 10

Interruption du statut de membre