3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation


Chapitre 17
Les modes de gestion

Section 17.3

Gestion exclusivement par les membres

Encore aujourd’hui, une majorité de coopératives d’habitation québécoises recourent à la participation bénévole de leurs membres pour réaliser l’ensemble des tâches de gestion et d’entretien dans la coopérative. Cela n’empêche évidemment pas la coopérative d’avoir recours occasionnellement aux services de la fédération, par exemple pour des conseils téléphoniques ou de la formation.

Des économies

Le principal avantage de choisir une gestion exclusive par les membres est d’ordre financier. En procédant ainsi, la coopérative peut économiser des sommes qu’elle aurait autrement dû débourser (ex. : comptabilité, entretien paysager, déneigement, ménage dans les espaces communs, collecte des loyers, etc.).

Méfiez-vous cependant des fausses économies! Par exemple, vous confiez la tenue de livres à un membre qui n’a pas de qualifications professionnelles ou de formation adéquate pour assumer cette fonction. L’accumulation d’erreurs dans la comptabilité de la coopérative risque d’accroître le temps que devra consacrer l’auditeur à la vérification des livres et aux écritures de régularisation. Les économies anticipées risquent alors de disparaître à la faveur d’honoraires professionnels.

Sentiment d’appartenance accru

En réalisant eux-mêmes toutes les tâches, les membres ont parfois la perception d’avoir plus de contrôle sur leur coopérative et sur leur milieu de vie. Cela est susceptible de renforcer le sentiment d’appartenance des membres et la perception d’une certaine forme « d’authenticité coopérative » et « d’autonomie ». Il ne faut cependant pas perdre de vue que le sentiment d’appartenance, l’authenticité coopérative et l’autonomie ne découlent pas fondamentalement de l’exécution par les membres des tâches de gestion et d’entretien, mais d’abord et avant tout du pouvoir qu’ils ont de prendre des décisions éclairées et indépendantes de tout contrôle extérieur.

Développement des compétences

Pour plusieurs membres de coopératives d’habitation, la participation à la gestion permet d’acquérir des compétences techniques, administratives ou relationnelles qui leur sont utiles dans d’autres aspects de leur vie. C’est pourquoi il est essentiel, lorsque la coopérative confie certaines tâches à des fournisseurs externes ou embauche une direction générale et des employés, de maintenir la participation des membres à la gestion de la coopérative. La nature des tâches peut varier, mais la participation doit demeurer.

Difficulté à réaliser certaines tâches

Comme mentionné précédemment, la gestion d’une coopérative d’habitation s’avère de plus en plus complexe. Pensons simplement à la réglementation accrue en matière de construction et de rénovation, à l’ajout ou à la modification constante des lois, aux normes comptables obligatoires, aux conventions d’exploitation et aux diverses subventions au loyer.

Cette complexité et l’évolution constante des normes à appliquer requièrent désormais plus de compétences de la part des membres. Souvent, cela va nécessiter des formations dans des domaines plus pointus et pour lesquelles la coopérative devra débourser. La coopérative doit également s’assurer que les membres disposent des outils adéquats pour effectuer les tâches qu’on leur confie.

Gouvernance

La réalisation de tâches trop nombreuses risque de détourner les membres et les administrateurs de leur rôle primordial : définir les orientations, élaborer de bonnes stratégies et prendre les meilleures décisions possibles. En effet, si le temps disponible, l’énergie et l’attention des membres et des administrateurs sont entièrement consacrés aux tâches de gestion et d’entretien à accomplir, la coopérative pourrait ne pas percevoir certains risques ou menaces encourus et pourrait également ne pas être en mesure de saisir certaines opportunités qui se présentent.

Par exemple

Votre coopérative prévoit changer l’ensemble des fenêtres d’un de ses immeubles. Les membres du comité d’entretien et du conseil d’administration sont entièrement absorbés par une multitude de tâches liées à l’entretien. Ils s’empresseront peut-être de rechercher les produits et les installateurs les moins chers pour le remplacement des fenêtres. Si ces personnes avaient pris le temps de communiquer avec leur fédération et de faire les recherches et les analyses qui s’imposent, elles auraient constaté que l’installation de fenêtres plus performantes sur le plan énergétique aurait sans doute été plus avantageuse. Elles auraient aussi été mieux informées des programmes d’aide financière disponibles pour ce type de rénovation. Au bout du compte, la coopérative se privera d’économies sur la facture d’électricité pour elle-même et pour ses membres, et ce, pour les 15 ou 20 prochaines années. Tout cela parce qu’il fallait au plus vite tondre la pelouse et donner un coup de pinceau sur la clôture!

Risques accrus d’insatisfaction et de conflits

Comme nous l’avons vu au chapitre 8 (participation des membres) et au chapitre 9 (prévention et gestion des conflits), la participation aux tâches représente souvent un risque d’insatisfaction et de mésentente dans les coopératives d’habitation. Tôt ou tard, certains membres vont se lasser d’avoir à exécuter des tâches souvent répétitives et peu stimulantes. Cette frustration peut être décuplée lorsqu’on constate que des membres ne font rien.