Chapitre 10
Interruption du statut de membre
Section 10.2
L’imposition de mesures disciplinaires (suspension et exclusion)
La Loi sur les coopératives prévoit deux mesures disciplinaires pouvant être imposées à un membre. Il s’agit de la suspension et de l’exclusion. Ces deux mesures ne peuvent être imposées que pour les motifs et selon la procédure prévue par la Loi.
Fiche juridiqueLa suspension et l’exclusion d’un membre sont susceptibles d’avoir des conséquences économiques et juridiques importantes, tant pour le membre que pour la coopérative. La Loi encadre rigoureusement l’imposition de telles mesures. C’est pourquoi nous vous recommandons de communiquer avec votre fédération avant d’entreprendre une telle démarche.
10.2.1 - Qui peut exercer le pouvoir disciplinaire?
Seul le conseil d’administration a le pouvoir de suspendre ou d’exclure un membre (L.c., art. 57). Une telle mesure disciplinaire imposée, par exemple, par l’assemblée générale ou par la direction généraleDans le cas de membres travailleurs d’une coopérative de solidarité en habitation, l’article 224.4.0.1 prévoit que la direction générale ou le gérant peut imposer aux membres et aux membres auxiliaires des mesures administratives ou disciplinaires, autres que le congédiement. Toutefois, le conseil d’administration peut, par résolution, s’attribuer ces pouvoirs ou les confier à une personne ou à un groupe de personnes qu’il désigne. Cette décision doit être rendue disponible aux membres et aux membres auxiliaires. L’article 224.4.0.1 est rendu applicable aux coopératives de solidarité en vertu de l’article 226.15. pourrait être annulée par les tribunaux. De même, un règlement qui donnerait ce pouvoir à une autre instance que le conseil d’administration serait considéré comme nul et sans effet.
10.2.2 - Motifs pouvant justifier la suspension et l'exclusion d'un membre
Les seuls motifs pouvant être invoqués pour suspendre ou exclure un membre sont prévus à l’article 57 de la Loi qui précise que le conseil d’administration peut suspendre ou exclure un membre si ce dernier :
- N’est pas usager des services de la coopérative;
- N’a plus la capacité effective d’être un usager des services de la coopérative;
- Ne respecte pas les règlements de la coopérative;
- N’a pas payé ses parts de qualification selon les modalités de paiement prévues au règlement;
- Est dépossédé de ses parts de qualification;
- N’exécute pas ses engagements envers la coopérative;
- Néglige, pendant un exercice financier, de faire affaire avec la coopérative pour la somme déterminée par règlement;
- Exerce une activité qui entre en concurrence avec celle de la coopérative.
Les reproches qui justifieraient l’imposition d’une mesure disciplinaire doivent donc nécessairement entrer dans une de ces catégories. Le non-respect des règlements de la coopérative et le défaut d’exécuter les engagements envers la coopérative sont les motifs les plus susceptibles d’être invoqués.
Les règlements visés à l’article 57 incluent notamment le Règlement de régie interne et le Règlement d’immeuble.
Les engagements du membre à l’égard de la coopérative sont principalement contenus dans le Contrat de membre et dans le bail.
10.2.3 - Processus disciplinaire
La procédure à suivre pour suspendre ou exclure un membre est fortement encadrée par la Loi sur les coopératives. La coopérative doit respecter les règles prescrites à la lettre et avec rigueur, car les tribunaux appelés à décider de la légalité de telles mesures se sont généralement montrés très exigeants en la matière, n’hésitant pas à annuler des sanctions pour le motif que la procédure n’avait pas été respectée.
Fiche juridiqueLa coopérative peut de plus adopter une Politique de gestion du contrat de membre Voir section ''La politique de gestion du contrat de membre''(Section 5.6) et mettre sur pied un comité de gestion du contrat de membre Voir section ''Le comité de gestion du contrat de membre'' (Section 5.7) , afin d’encadrer le suivi des obligations du membre et la marche à suivre avant de passer à l’imposition de mesures disciplinaires.
Une approche graduelle
Étant donné l’importance des impacts potentiels découlant de mesures telles, la suspension et l’exclusion, la coopérative devrait adopter une approche graduelle. Ainsi, sauf en cas de manquement grave (ex. : fraude, vol, violence, etc.), la coopérative devrait poser les actions suivantes avant de suspendre ou d’exclure un membre :
- Une rencontre de mise au point: le comité informe le membre des manquements qui lui sont reprochés et lui permet de présenter ses observations. À la suite de la présentation des faits par les parties, une entente écrite peut être prise afin de permettre la correction de la situation;
- Un avertissement écrit : cet avis doit identifier clairement les manquements reprochés au membre et l’aviser que la coopérative pourrait lui imposer une sanction disciplinaire s’il n’amende pas sa conduite. Il est conseillé d’envoyer cet avertissement par courrier recommandé;
- Une suspension : dans certains cas, le conseil d’administration pourrait choisir d’imposer une suspension avant de procéder à l’exclusion du membre. Le membre ainsi privé de ses droits et avantages aura une dernière chance de prendre conscience du sérieux de la coopérative et des conséquences négatives potentielles pour lui-même.
L’imposition de mesures disciplinaires ne doit pas être un substitut à l’adoption par la coopérative de saines pratiques visant à favoriser le respect des engagements par les membres. Ce sera le cas, notamment, en matière de manquements aux obligations relatives à la participation aux activités et à la gestion de la coopérative.
Des sanctions proportionnelles
La sanction imposée par la coopérative doit être proportionnelle au manquement reproché. Cela signifie qu’une exclusion ou même une suspension pourrait difficilement être justifiée dans le cas d’un manquement mineur et isolé à un règlement ou au contrat de membre. Cependant, l’exclusion sera tout à fait justifiée en cas de manquements graves (ex. : fraude envers la coopérative, voies de fait sur un autre membre, etc.) ou encore lorsque les manquements répétés du membre perdurent malgré l’imposition de mesures graduelles.
Exclusion du membre qui est aussi un administrateur
Le conseil d’administration ne peut exclure un membre qui est administrateur avant que son mandat d’administrateur n’ait été révoqué. Depuis 2015, cette exigence ne s’applique pas à la suspension (L.c., art. 57).
Mentionnons que seule l’assemblée des membres a le pouvoir de révoquer le mandat d’un administrateur Voir la section ''Révocation d'un administrateur''(Sous-section 13.2.4)
Procédure de suspension et d’exclusion par le conseil
Rappelons d’abord que seul le conseil d’administration de la coopérative peut suspendre ou exclure un membre (L.c., art. 57). La procédure comme telle menant à la suspension ou à l’exclusion d’un membre est prévue à l’article 58 de la Loi.
Convocation
Le processus menant à la suspension ou à l’exclusion d’un membre débute avec la transmission au membre concerné d’un avis écritVoir la documentation pour un modèle d'avis de convocation de suspension ou d'exclusionl’informant des motifs invoqués au soutien de sa suspension ou de son exclusion ainsi que du lieu, de la date et de l’heure de la réunion au cours de laquelle le conseil d’administration rendra sa décision.
Les motifs de suspension ou d’exclusion doivent être suffisamment précis afin de permettre au membre concerné d’être en mesure de s’opposer à cette mesure. Le fait, par exemple, de reproduire simplement un ou plusieurs des motifs de l’article 57 ne serait pas suffisant pour satisfaire aux exigences de l’article 58.
L’avis mentionné à l’article 58 doit être donné dans le même délai que celui prévu pour la convocation de cette réunion, c’est-à-dire, et sauf disposition contraire des règlements, cinq jours avant la date fixée pour sa tenue Voir la sous-section ''Convocation'' (Sous-section 13.7.2)
L’avis devrait également indiquer que, lors de cette réunion du conseil, le membre aura l’occasion de s’opposer à sa suspension ou à son exclusion en y faisant des représentations ou bien en transmettant une déclaration écrite que lira le président.
Étant donné que la décision du conseil ne doit se prendre qu’à la toute fin du processus, l’avis ne doit évidemment pas laisser entendre que la décision est déjà prise et que la procédure ne représente qu’une simple formalité.
Enfin, l’envoi de l’avis devrait se faire par courrier recommandé ou par tout autre mode de transmission permettant d’en prouver la réception par le membre visé.
Lors de la réunion du conseil
Le droit d’être entendu lors de la réunion du conseil correspond à une règle de justice naturelle reconnue par les tribunaux. Il s’agit de la règle audi alteram partem (« droit d’être entendu »). Afin de s’opposer à sa suspension ou à son exclusion, le membre aura la possibilité, s’il le souhaite :
- De faire des représentations lors de la réunion du conseil;
- De transmettre une déclaration écrite que lit le président de la réunion;
- D’être accompagné d’un avocat.
La décision du conseil de suspendre ou d’exclure un membre doit être prise par une résolution adoptée aux deux tiers des voix exprimées par les administrateurs présents. Soulignons également que la décision doit être rendue lors de la même réunion où le membre a été entendu. Rien n’empêcherait cependant le conseil, en principe, d’ajourner cette réunion et de la reprendre ultérieurement pour rendre sa décision. L’important c’est qu’il doit s’agir de la même réunion.
Après la réunion
La coopérative doit transmettre au membre, dans les 15 jours de la décision, un avis écritVoir la documentation pour un modèle d'avis de suspension ou d'exclusion et motivé de sa suspension ou de son exclusion. L’exigence de motiver la mesure disciplinaire dans l’avis ne signifie pas que la coopérative doive fournir tous les détails de l’affaire. Il suffit de référer aux principaux faits pertinents qui ont amené le conseil à prendre sa décision, incluant une référence, le cas échéant, aux représentations faites par le membre.
La décision écrite du conseil doit de plus préciser la date de prise d’effet de la suspension ou de l’exclusion.
Recours du membre
Il n’existe aucun droit d’appel, par exemple à l’assemblée générale, à l’encontre d’une décision du conseil d’administration de suspendre ou d’exclure un membre.
De même, le membre suspendu ou exclu ne peut s’adresser au Tribunal administratif du logement afin de contester sa suspension ou son exclusion.
Le seul recours dont dispose le membre est de s’adresser aux tribunaux de droit commun, en l’occurrence la Cour supérieure du Québec, afin de demander l’annulation de la décision du conseil d’administration. Il s’agit d’un recours impliquant d’importants délais et des coûts considérables, tant pour le membre que pour la coopérative. La coopérative devrait communiquer avec sa fédération dans le cas où un membre entreprend un tel recours en annulation.