3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation


Chapitre 18
Gestion locative

Section 18.10

Sous-location, cession de bail et résiliation du bail de consentement mutuel

En règle générale, le locataire est tenu de respecter le bail jusqu’à son terme et est responsable de payer le loyer et toutes les autres obligations qui s’y rattachent en vertu de la Loi et du bail. Cela ne signifie pas qu’il n’existe aucun moyen pour un locataire de quitter son logement en cours de bail, sans pour autant être tenu d’assumer les charges importantes que cela suppose.

La sous-location, la cession de bail et la résiliation de consentement mutuel constituent trois moyens non judiciaires de mettre fin au bail (cession de bail et résiliation de consentement mutuel) ou de substituer en partie une tierce personne pour remplacer temporairement le locataire (sous-location).

Logement à loyer modique

Le locataire d’un logement à loyer modique ne peut sous-louer le logement ou céder son bail. Il peut cependant, en tout temps, résilier le bail en donnant un avis de trois mois au locateur (C.c.Q., art. 1995).

Votre coopérative aurait intérêt à définir à l’avance certaines règles qui viendront compléter celles prévues au Code civil du Québec, afin d’encadrer ces trois démarches. La CQCH et les fédérations de coopératives d’habitation proposent un modèle de politiqueVoir la documentation pour un modèle de politique de sous-location et de résiliation de bail de consentement mutueltraitant de la sous-location, de la cession de bail et de la résiliation de bail par consentement mutuel.

18.10.1 - Sous-location

Définition

La sous-location est le contrat par lequel le locataire loue son logement à un tiers tout en demeurant responsable vis-à-vis du locateur.

Fiche juridique

L’avis de sous-location

Le locataire qui veut sous-louer son logement est tenu d’aviser le locateur de son intention et d’obtenir le consentement de ce dernier (C.c.Q., art. 1870). L’avis de sous-location doit indiquer le nom et l’adresse de la personne à qui le locataire entend sous-louer le logement. Cette personne est appelée « sous-locataire ».

Décision de la coopérative

Le locateur ne peut refuser la sous-location que pour un motif sérieux. Pourrait être considéré comme tel, par exemple, un résultat défavorable à la suite d’une enquête de prélocation. Lorsqu’il refuse, le locateur est tenu d’indiquer au locataire, dans les 15 jours suivant la réception de l’avis, les motifs de son refus. S’il omet de le faire, il est réputé avoir consenti à la sous-location (C.c.Q., art. 1871).

Le locateur a le droit et devrait procéder à une enquête concernant le candidat à la sous-location avant d’accepter la sous-location. Si le candidat ne satisfait pas aux critères de sélection de la coopérative, celle-ci pourra refuser la sous-location.

Le locateur qui consent à la sous-location ne peut exiger que le remboursement des dépenses raisonnables qui peuvent résulter de la sous-location ou de la cession (C.c.Q., art. 1872). Il pourrait s’agir, par exemple, des frais d’enquête de crédit.

Recours du locateur contre le sous-locataire

Lorsque le locateur intente contre le locataire principal un recours en paiement de loyer, le sous-locataire peut lui-aussi être tenu responsable, envers le locateur, jusqu’à concurrence du loyer de la sous-location dont il est lui-même débiteur envers le locataire (C.c.Q., art. 1874).

Le locateur peut demander la résiliation de la sous-location lorsque l’inexécution d’une obligation par le sous-locataire cause un préjudice sérieux au locateur ou aux autres locataires ou occupants (C.c.Q., art. 1875). Ce pourrait être le cas, par exemple, lorsque le sous-locataire trouble la jouissance paisible des lieux ou lorsqu’il endommage le logement.

Inversement, le sous-locataire peut exercer les mêmes recours que le locataire contre le locateur, lorsque ce dernier ne respecte pas ses obligations (ex. : effectuer les réparations nécessaires) (C.c.Q., art. 1876).

Statut de membre

Le fait pour un membre de sous-louer son logement ne lui fait pas perdre automatiquement ce statut. La coopérative pourrait cependant inclure dans la Politique de sous-location, de cession et de résiliation de bail de consentement mutuel une disposition prévoyant que le membre perd le bénéfice du rabais de membre pendant la durée de la sous-location.

Quant au sous-locataire, il n’acquiert pas le statut de membre. Rien n’empêche toutefois le sous-locataire de poser éventuellement sa candidature pour devenir membre de la coopérative lorsqu’un logement devient vacant (soit le logement qu’il occupe à titre de sous-locataire ou un autre logement appartenant à la coopérative). Cette personne devrait toutefois se soumettre au processus normal de sélection de la coopérative et, le cas échéant, être admise par le conseil d’administration.

Fin de la sous-location

Le sous-locataire n’a pas droit au maintien dans les lieux. La sous-location prend fin à la date convenue entre le locataire et le sous-locataire. Ce dernier reprend alors possession du logement. La sous-location se termine au plus tard à la date à laquelle prend fin le bail de logement (C.c.Q., art. 1940). Par exemple, le locataire a conclu un bail de 12 mois débutant le 1er juillet 2021. La sous-location débute le 1er octobre 2021; elle se terminera au plus tard le 30 juin 2022.

Le sous-locataire n’est cependant pas tenu de quitter les lieux avant d’avoir reçu du sous-locateur ou, en cas de défaut de sa part, du locateur principal (la coopérative), un avis de 10 jours à cette fin (C.c.Q., art. 1940).

Dans le cas où le locataire a sous-loué le logement pendant plus de 12 mois, la coopérative peut éviter la reconduction du bail, si elle avise le locataire et le sous-locataire de son intention d’y mettre fin, dans les mêmes délais que si elle y apportait une modification (C.c.Q., art. 1944).

18.10.2 - Cession de bail

Définition

La cession d’un bail est un contrat par lequel le locataire cède ou transfère en faveur d’un tiers (le cessionnaire) l’ensemble des droits et obligations qui résultent de son bail de logement. Le cessionnaire se trouve alors à remplacer le locataire, et le lien contractuel entre ce dernier et le locateur est rompu.

Fiche juridique

Une des conséquences importantes de ce transfert de droit est que le cessionnaire, une fois accepté par la coopérative, aura droit au maintien dans les lieux.

L’avis de cession de bail

Le locataire qui désire céder son bail doit obtenir le consentement préalable du locateur à la cession. Le locataire est à cette fin tenu, comme c’est le cas en matière de sous-location, d’aviser par écrit le locateur de son intention de céder le bail. L’avis doit également indiquer le nom et l’adresse de la personne à qui il entend céder son bail Voir la sous-section ''Sous-location'' (Sous-section 18.10.1).

Décision de la coopérative

Comme pour la sous-location, la coopérative ne peut refuser la cession de bail à moins d’avoir un motif sérieux Tout refus du locateur face à une cession de bail doit obligatoirement se fonder sur un motif sérieux (article 1871 du Code civil du Québec). Dans ce contexte, des décisions des tribunaux ont jusqu’ici reconnu que pouvait constituer un motif sérieux de refus le fait qu’une cession de bail aurait pour effet d’aller à l’encontre de la mission poursuivie par le locateur et ses critères d’admission. Pour des références à ce sujet, consultez les décisions Godbout c. Relance Coopérative d'habitation, 2011 QCRDL 10970 (Régie du Logement); Boudreault c. Inter-Elles inc., REJB 2003-39928 (Cour du Québec); Société d’habitation du Village Jeanne-Mance c. Sicotte, Cour du Québec, 500-80-000734-021, h. juge André Renaud, le 8-7-2004, demande de révision judiciaire rejetée par la Cour supérieure du Québec le 2-2-05, 500-17-021776-045, h. juge Jean Frappier; Perras c. Société d’habitation Allegro, AZIMUT AZ-50400774 (Régie du Logement)..

Puisque le cessionnaire a droit au maintien dans les lieux, la coopérative devrait examiner la demande de cession de bail avec encore plus de minutie que la demande de sous-location. En fait, la coopérative devrait, en quelque sorte, traiter le candidat à la cession de bail comme n’importe quel candidat locataire lorsqu’un logement est vacant. En plus d’être sujette à une enquête de prélocation, cette personne devrait être rencontrée par le comité de sélection. Si vous en venez à la conclusion qu’elle ne satisfait pas aux critères de sélection et ne pourrait cadrer avec la culture et la mission de la coopérative, refusez la cession de bail.

Lorsqu’il refuse la cession de bail, le locateur est tenu d’indiquer au locataire, dans les 15 jours suivant la réception de l’avisVoir la documentation pour un modèle d'avis de refus de cession de bail, les motifs de son refus (C.c.Q., art. 1871).

Mécontentement possible

Certains membres pourraient se sentir lésés par la décision de la coopérative d’accepter la cession de bail. En effet, ces personnes pourraient avoir la perception que la cession les prive de la possibilité de demander un transfert dans le logement concerné, comme cela aurait été le cas si le bail n’avait pas été renouvelé ou s’il avait été résilié. Toutefois, ce mécontentement potentiel des membres ne constituerait vraisemblablement pas un motif valable pour refuser la cession de bail.

18.10.3 - Résiliation de consentement mutuel

Il peut survenir qu’un membre qui souhaite quitter la coopérative demande simplement à celle-ci de mettre fin au bail. Le bail étant un contrat privé conclu entre la coopérative et le locataire, rien n’empêche ces deux parties d’y mettre fin avant son terme, d’un commun accord. Plusieurs coopératives se montrent d’ailleurs ouvertes à consentir une telle résiliation de bail à leurs membres, notamment en raison du fait que cette pratique permet d’éviter la sous-location ou la cession de bail. Voici cependant quelques règles que nous suggérons et qui devraient être prévues dans la Politique de sous-location, de cession et de résiliation de bail de consentement mutuel :

  • Le locataire doit présenter au conseil d’administration une demande de résiliation de consentement mutuelVoir la documentation pour un modèle d'entente de résiliation de bail de consentement mutuelet proposer des conditions s’y rattachant (ex. : date souhaitée de la fin du bail), incluant s’il y a lieu un dédommagement (ex. : trois mois de loyer);
  • La coopérative n’est en aucun cas tenue de consentir à une telle demande, même si elle l’a fait à une ou plusieurs occasions par le passé;
  • Dans le cas où le logement a fait l’objet d’une déclaration de résidence familiale, la demande doit comporter le consentement et la signature du conjoint au bénéfice duquel telle déclaration a été faite;
  • Lorsque le conseil d’administration évalue la demande de résiliation, il doit toujours, dans l’exercice de sa discrétion, considérer comme critère premier et prépondérant celui de l’intérêt de la coopérative (ex. : perspective de pouvoir relouer le logement sans perte de loyer);
  • Toute entente de résiliation de bail de consentement mutuel entre la coopérative et un locataire doit être consignée dans un écrit signé par un représentant du conseil d’administration, par le locataire concerné et, le cas échéant, par toute autre partie intéressée (ex. : conjoint au bénéfice duquel une déclaration de résidence familiale a été faite);
  • Aucune entente de résiliation ne devrait être conclue dans le cas où le locataire a des arrérages de loyer ou autre dette envers la coopérative, à moins qu’elle ne soit conditionnelle au remboursement de ces créances avant le départ du locataire.