3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation


Chapitre 18
Gestion locative

Section 18.6

Principales obligations du locataire

Les principales obligations du locataire ont trait :

  • Au paiement du loyer;
  • À l’utilisation prudente et responsable du logement;
  • Au maintien du logement en bon état de propreté;
  • À certaines réparations;
  • Aux modifications apportées au logement;
  • À la salubrité et à la sécurité du logement;
  • À la jouissance paisible de lieux pour les autres locataires;
  • Au respect du Règlement d’immeuble.

18.6.1 - Paiement du loyer

L’obligation la plus importante du locataire est de payer le loyer dû à la coopérative (C.c.Q., art. 1855).

Loyer au bail et rabais de membre

Le loyer au bail est celui apparaissant dans le bail de logement signé par le locateur et le locataire (C.c.Q., art. 1903), incluant s’il y a lieu les modifications apportées lors du renouvellement annuel de celui-ci. Cependant, plusieurs coopératives d’habitation consentent à leurs membres un rabais sur le coût du loyer apparaissant au bail (le « rabais de membre »), rabais dont le montant est habituellement indiqué dans le contrat de membre. Dans ce cas, le locataire-membre n’est tenu de payer que le loyer au bail, déduction faite du rabais de membre. Le locataire cesse de bénéficier du rabais de membre lorsqu’il perd ce statut de membre à la suite de sa démission, de sa suspension ou de son exclusionEn vertu de l’article 60 de la Loi sur les coopératives, le conseil d’administration peut, dans le cas d’une suspension, décider de maintenir certains droits pour le membre, dont le rabais de membre. Voir la sous-section ''Effet de l'interruption du statut de membre'' (Sous-section 10.3.3). La perte du bénéfice du rabais de membre est effective à compter du mois suivant l’interruption du rabais de membre.

Clauses prohibées

En vertu du Code civil est considérée comme nulle et sans effet une clause :

  • Qui prévoit que chaque versement payable excède un mois de loyer. Le locateur ne peut exiger d’avance que le paiement du premier terme de loyer ou, si ce terme excède un mois, le paiement de plus d’un mois de loyer (c.Q., art. 1904);
  • Prévoyant des versements aux montants différents (ex. : 500 $ pour le mois de juillet, 520 $ pour le mois d’août et ainsi de suite (c.Q., art. 1903);
  • Exigeant la remise, par le locataire, d’une somme d’argent autre que le loyer, sous forme de dépôt ou autrement (c.Q., art. 1904);

Concernant le dépôt de garantie

Dans une décision rendue en 2020Immeubles À côté inc. c. Mirzica, 2020 QCRDL 4495., la Régie du logement (maintenant Tribunal administratif du logement) a estimé qu’un locataire pouvait renoncer à la protection qui lui est offerte à l’article 1904 du Code civil concernant le dépôt de garantie. La règle serait sensiblement la même que pour les chèques postdatés. Ainsi, bien que le locateur ne puisse exiger un tel dépôt, le locataire peut choisir librement et volontairement de remettre au locateur un tel dépôt.  Il faut toutefois que la preuve démontre que la renonciation est claire et non équivoque, et que les circonstances ne permettent pas de conclure à une certaine forme d’exigence de la part du locateur ou à une crainte du locataire de ne pouvoir louer le logement à défaut de verser le dépôt.

  • Exigeant, pour le paiement, la remise d’un chèque postdaté (c.Q., art. 1904);
  • Stipulant que le loyer total pour la durée restante du bail sera exigible en cas de défaut du locataire d’effectuer un versement (c.Q., art. 1905);
  • Stipulant le réajustement du loyer en cours de bail (dans un bail à durée fixe de 12 mois ou moins) (c.Q., art., 1906).

Quand le loyer est-il payable?

Le loyer est payable au complet au moment prévu au bail (section D du formulaire de bail), habituellement le premier jour de chaque mois (C.c.Q., art. 1903).

Où le loyer est-il payable?

La Loi prévoit que si les parties n’ont rien prévu de particulier sur la question, il appartient au locateur ou à son mandataire d’aller chercher le loyer au domicile du locataire à la date convenue (C.c.Q., art. 1566). Si les parties ont convenu d’un autre lieu de paiement, il revient au locataire de s’assurer que le locateur reçoive le paiement à la date convenue.

Quel mode de paiement peut être utilisé?

Le locateur et le locataire devraient convenir dans le bail des modes de paiement par lesquels le locataire peut payer le loyer (ex. : chèque, virement bancaire électronique, paiement préautorisé, etc.). Pour ce faire, remplissez les cases prévues à cet effet à la partie D du formulaire de bail obligatoire du Tribunal administratif du logement.

Une série de chèques postdatés et le paiement préautorisé sont des modes de paiement fréquemment proposés aux locataires. Le virement par courriel (ex. : virement Interac) constitue un autre moyen de paiement pouvant être proposé par la coopérative.

Dans la mesure du possible, la coopérative devrait éviter le paiement du loyer en argent comptant.

Au moment de signer le bail, une bonne pratique consisterait à remettre au locataire un document précisant les modalités de paiement du loyer Voir la section ''Formalités d’accueil ''(Section 6.5.1).

À qui payer loyer?

Il est important pour le locateur et le locataire de bien s’entendre sur la personne qui sera appelée à recevoir le loyer pour le compte de la coopérative. En cas de changement, la coopérative devra en aviser sans délai le locataire.

En cas de doute sérieux quant à la personne à qui le loyer est payable (ex. : la personne responsable de la collecte des loyers est déménagée et aucun remplaçant n’a été désigné), le locataire devrait d’abord s’adresser au conseil d’administration ou même à un dirigeant (ex. : président, trésorier, secrétaire). Si l’incertitude persiste, le locataire pourra ultimement demander au Tribunal administratif du logement l’autorisation d’y déposer son loyer (C.c.Q., art. 1908). Pour en savoir plus sur la procédure à suivre pour le dépôt du loyer au TAL, consultez la sous-section ''Principaux recours devant le Tribunal administratif du logement'' (Sous-section18.14.2).

Paiement du loyer par des colocataires

On parle de colocataires lorsque deux personnes ou plus qui habitent ensemble sont signataires du bail pour un même logement.

Colocation

À moins d’une disposition à l’effet contraire dans le bail, chacun des colocataires sera tenu de ne payer que sa part respective du loyer (ex. : la moitié du loyer). On dit alors que l’obligation des locataires est conjointe.

Si la coopérative souhaite au contraire que chaque colocataire soit responsable de la totalité du loyer, elle doit l’indiquer clairement dans le bail (voir la partie H du formulaire de bail du Tribunal administratif du logement). On dira alors que l’obligation de payer le loyer est solidaire entre les colocataires.

Important

Exigez toujours que les colocataires soient solidairement responsables du loyer en cochant la case prévue à cet effet dans la partie H du bail.

Dans l’exemple ci-après, vous n’avez pas indiqué dans le bail que l’obligation de payer le loyer est solidaire : Marie et Jacques sont colocataires d’un logement dans la coopérative et aucune mention n’apparaît au bail indiquant que l’obligation de payer le loyer est solidaire. Ce mois-ci, Marie a, comme d’habitude, payé son loyer le premier du mois. Jacques, nettement moins fiable que Marie, a encore omis de payer sa part. En plus, il a quitté le logement et est introuvable. La coopérative ne pourra exiger de Marie que sa part du logement et devra entreprendre une démarche afin de trouver Jacques et de recouvrer les montants dus.

Dans la même situation, mais en supposant que la coopérative ait indiqué au bail le caractère solidaire de l’obligation de payer le loyer, elle pourrait réclamer à Marie la totalité du loyer. Ce serait alors à Marie de retrouver Jacques et de se faire payer.

 

En cas de non-paiement du loyer

La coopérative a le droit d’être payée pour le logement qu’elle loue au locataire. Il peut toutefois survenir diverses circonstances, hors du contrôle du locataire, qui l’empêche de payer son loyer à temps (ex. : perte d’emploi, problèmes de santé, dépenses imprévues et essentielles, etc.). En pareil cas, la coopérative aurait intérêt à prendre entente avec le locataire pour des modalités de paiement du loyer.

La coopérative devrait adopter une Politique de perception des loyers et arréragesVoir la documentation pour un modèle de politique qui traite, entre autres :

  • Des modes de paiement;
  • Des procédures en cas de non-paiement;
  • Des ententes de paiement;
  • Des chèques sans provision;
  • Des recours contre le locataire.

La coopérative a le droit de réclamer, dès qu’il y a retard, le recouvrement de la somme impayée.

Lorsqu’il y a retard de plus de trois semaines ou en cas de retards fréquents causant un préjudice sérieux à la coopérative (ex. : retard dans le paiement de l’emprunt hypothécaire, coût de financement, coût de recouvrement, etc.), celle-ci peut demander la résiliation du bail et l’expulsion du locataire et des autres occupants du logement (C.c.Q., art. 1971).

Le locataire poursuivi en résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer peut éviter la résiliation en payant, avant jugement, outre le loyer dû et les frais, les intérêts au taux fixé en application de l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale (chapitre A-6.002) ou à un autre taux convenu avec le locateur si ce taux est moins élevé (C.c.Q., art. 1883) Pour en savoir plus sur les recours possibles devant le Tribunal administratif du logement, consultez la section ''Recours'' (Section 18.14).

18.6.2 - Utilisation prudente et de manière responsable du logement

Le locataire n’est pas propriétaire de son logement. Le bail de logement lui en donne la possession et la jouissance temporaires. L’article 1855 du Code civil exige du locataire qu’il use du logement avec prudence et diligence. Il s’agit d’une obligation générale dont voici quelques illustrations :

  • Le locataire doit aviser le locateur d’une défectuosité ou d’une détérioration substantielle du logement (c.Q., art. 1866);
  • Le locataire doit réparer le préjudice subi par le locateur en cas de perte ou de dommages survenus au logement et qui sont dus à sa faute ou à celle de personnes à qui il donne accès au logement (c.Q., art. 1862);
  • Le locataire ne peut, sans le consentement du locateur, employer ou conserver dans un logement une substance qui constitue un risque d’incendie ou d’explosion et qui aurait pour effet d’augmenter les primes d’assurance du locateur (c.Q., art. 1919);
  • À la fin du bail, le locataire doit remettre le bien dans l’état où il l’a reçu, sauf en ce qui a trait à l’usage normal ou à une force majeure (c.Q., art 1890).
Fiche juridique

Afin de s’assurer du bon état du logement en cours de bail, la coopérative devrait procéder à une inspection annuelle du logement. Une semblable inspection devrait également avoir lieu avant le départ du locataire à la fin de son bailVoir la sous-section ''État du logement au moment du départ'' (Sous-section 18.13.2). Le déroulement de telles inspections devrait être encadré par une Politique de gestion de l’entretien Pour en savoir plus sur l’inspection des logements, consultez la sous-section ''Inspection des logements'' (Sous-section 19.4.4).

18.6.3 - Réparations mineures

Nous avons vu précédemment que le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien louéVoir la sous-section ''Obligation d’entretenir le logement'' (Sous-section 18.5.2). Le Code civil laisse toutefois à la charge du locataire les « menues réparations d’entretien » (C.c.Q., art. 1864). Il s’agit de réparations peu coûteuses et faciles à faire. Voici quelques exemples :

  • Remplacer les ampoules électriques ou les tubes fluorescents;
  • Faire les retouches de peinture;
  • Boucher les trous laissés dans les murs;
  • Remplacer un pommeau de douche;
  • Remplacer les plaques sur les prises électriques;
  • Remplacer les joints d’étanchéité des robinets.
Fiche juridique

Le Règlement d’immeuble devrait prévoir la répartition des responsabilités respectives du locateur et du locataire en ce qui a trait aux réparations, sans toutefois déroger à la Loi.

18.6.4 - Structure et usage du logement non modifiables

Le locataire ne peut modifier la structure du logement ou son usage (C.c.Q., art. 1856).

L’interdiction de changer la structure du logement signifie que le locataire ne peut entreprendre des travaux qui auraient pour conséquence de modifier le nombre de pièces, la fenestration ou les entrées. Par exemple, le locataire ne pourrait décider seul d’ériger ou d’abattre une cloison à l’intérieur du logement. Il ne pourrait non plus, à moins d’obtenir l’autorisation de la coopérative, installer une porte-fenêtre pour remplacer une simple fenêtre.

L’interdiction de changer l’usage du logement signifie, quant à elle, que le locataire ne peut utiliser le bien loué à une fin autre que celle convenue initialement. Suivant les circonstances, les règlements et les politiques de la coopérative, les faits suivants pourraient, entre autres, être considérés comme un changement de destination du bien loué :

  • L’utilisation du logement à des fins commerciales (ex. : service de coiffure, de soins esthétiques, de tatouage, de garderie en milieu familial, etc.);
  • La location du logement de façon régulière à des fins touristiques (en utilisant, par exemple, la plateforme Airbnb);
  • La location d’un stationnementUne coopérative d’habitation pourrait cependant décider de louer à un tiers (ex. : à une entreprise d’autopartage) un ou plusieurs stationnements qui ne sont attribués à aucun locataire.

Inversement, le fait pour un locataire de pratiquer le télétravail ou une autre forme de travail autonome dans son logement ne serait normalement pas considéré comme un changement d’usage du logement.

Dans tous les cas, la coopérative doit prendre en compte, notamment, les facteurs suivants :

  • L’impact de l’activité sur l’achalandage dans l’immeuble;
  • Les troubles possibles à la jouissance paisible des lieux pour les autres locataires;
  • La dangerosité de l’activité;
  • L’impact sur les assurances du locataire ou de la coopérative;
  • La superficie des lieux au travail ou à l’usage commercial;
  • Les permis requis, par exemple par la municipalité.

Assurances

Les contrats d’assurance de la coopérative et des locataires peuvent comporter des restrictions ou conditions relatives aux activités professionnelles ou commerciales dans un logement. Vérifiez auprès de votre assureur ou de votre courtier. Pour en savoir plus sur les assurances de la coopérative, consultez le chapitre 21.

Évidemment, l’utilisation du logement à des fins illicites telles que le trafic de stupéfiants est interdite et ne devrait en aucun cas être tolérée par la coopérative.

18.6.5 - Obligations en matière de salubrité et de sécurité du logement

Le locateur a l’obligation de livrer un logement en bon état de propreté; le locataire a, quant à lui, l’obligation de maintenir cet état (C.c.Q., art. 1911). La présence envahissante d’insectes (blattes, punaises de lit, etc.) ou la présence de moisissures dans le logement constituent deux exemples courants d’atteinte à la salubrité du logement. Lorsque ces situations se produisent, le locataire doit faire part rapidement du problème à la coopérative.

Mentionnons que tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la Loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d’un logement donne lieu aux mêmes recours qu’un manquement à une obligation du bail (C.c.Q., art. 1912).

18.6.6 - Jouissance paisible des autres locataires

Le locataire doit se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires (C.c.Q., art. 1860). À cet égard, le locataire est responsable de ses propres gestes, mais aussi de ceux des autres personnes qui occupent le logement ou qui y sont invitéesPour des exemples de troubles de voisinage, voyez la sous-section ''Jouissance paisible des lieux'' (Sous-section 18.5.3).

18.6.7 - Obligations en vertu du Règlement d’immeuble

Rappelons que le Règlement d’immeuble fait partie du bail et qu’il doit être remis au locataire avant la conclusion de celui-ci (C.c.Q., art. 1894). Il comporte plusieurs obligations qui s’ajoutent aux obligations générales du Code civil ou viennent en préciser la portée. Le Règlement d’immeuble pourra, par exemple :

  • Interdire ou limiter le droit d’avoir des animaux;
  • Interdire l’usage des produits du tabac ou du cannabis;
  • Exiger que le locataire souscrive une assurance responsabilité civile.

Le locataire est tenu de respecter les obligations contenues dans le Règlement d’immeuble au même titre que celles apparaissant au bail comme tel.