3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation


Chapitre 20
Gestion financière

Section 20.3

Préparation, adoption et suivi du budget

La préparation d’un budget consiste à prévoir les revenus et les dépenses de la coopérative pour un exercice financier.

Dans le cycle de gestion des finances d’une coopérative, la préparation et l’adoption du budget constituent la première étape d’importance. Les prévisions budgétaires sont en quelque sorte le plan de match financier de la coopérative pour l’année à venir. Il importe donc d’apporter un soin particulier à cette tâche.

20.3.1 - Quand préparer et adopter le budget

L’échéancier pour la préparation et l’adoption du budget est étroitement lié à la séquence de renouvellement des baux.

Normalement, l’ensemble des baux conclus par la coopérative sont renouvelables le 1er juillet et la loi exige que les locataires soient avisés de l’augmentation de loyer de trois à six mois avant la fin du bailVoir à ce sujet la section '' Reconduction et modification du bail'' (Section 18.12) . Donc, pour les baux de 12 mois et plus, la coopérative doit faire parvenir à chaque locataire un avis d’augmentation de loyer entre le 1er janvier et le 31 mars. Les loyers représentant la plus importante source de revenus des coopératives d’habitation, celle-ci devra donc logiquement avoir adopté son budget avant de préparer et de transmettre les avis de renouvellement des baux.

En plus de la contrainte liée au renouvellement des baux, la détermination du moment propice pour adopter le budget va également dépendre de l’exercice financier de votre coopérative :

  • Votre exercice financier se termine le 31 décembre : Vous devez préparer votre budget à l’automne précédant le début de l’exercice financier. Par exemple, pour l’année financière 2022, entreprenez la préparation du budget en octobre 2021.
  • Votre exercice financier se termine le 30 juin : Vous devez préparer votre budget au début de l’hiver précédant le début de l’exercice financier. Par exemple, pour l’année financière 2022-2023, entreprenez la préparation du budget en janvier 2022.
  • Votre exercice financier se termine à une autre date : Il faut prévoir la préparation du budget en tenant compte des délais pour l’envoi des avis de renouvellement des baux.

20.3.2 - Préparation du budget

Les intervenants

La préparation du budget de la coopérative nécessite la collaboration de plusieurs intervenants, principalement le conseil d’administration, le trésorier, le comité des finances et d’autres comités (ex. : comité d’entretien).

Une façon efficace de fonctionner consiste à former un petit groupe de travail informel (3 ou 4 personnes), comprenant le trésorier, un membre ou deux du comité des finances et un membre du comité d’entretien. Ce groupe de travail aura pour tâche de réaliser un projet de budget, lequel sera par la suite présenté au conseil d’administration par le trésorier.

Suggestion

Comme c’est le cas pour d’autres comités, une bonne façon de préparer la relève consiste à inviter à participer à ce comité un membre de la coopérative intéressé éventuellement à travailler au comité des finances. En plus d’observer les façons de faire, cette personne pourra être mandatée pour accomplir certaines tâches simples.

Recherches préliminaires

L’élaboration des prévisions budgétaires doit être faite avec soin. Cet exercice doit reposer sur un travail de recherche et d’analyse rigoureux. Vous ne devriez surtout pas vous contenter d’augmenter d’un pourcentage arbitraire l’ensemble des postes de revenus et de dépenses. La plupart d’entre eux peuvent être déterminés avec un niveau relativement élevé de précision. Pour ce faire, renseignez-vous auprès des organismes concernés (ex. : votre municipalité pour les taxes foncières, la Régie de l’énergie du Québec ou Hydro-Québec, etc.) ou auprès des comités de la coopérative (ex. : comité d’entretien pour les travaux, comité de développement de la participation pour les besoins en formation).

Avant de préparer votre budget, vous devriez avoir en main les documents et informations suivants :

  • Les documents budgétaires de l’année courante;
  • Les états financiers des années précédentes;
  • Les informations publiques concernant les variations de taxes et des coûts d’électricité;
  • Les contrats signés et les soumissions, par exemple pour des travaux d’entretien;
  • Les rapports des différents comités recensant les besoins budgétaires.

Il est suggéré de préparer le budget de la coopérative à l’aide d’un tableur (ex. : Excel). Pour chacun des postes de revenus et de dépenses, on devrait retrouver une colonne contenant les informations suivantes :Informations apparaissant au budget

  • Le poste budgétaire (colonne B dans le modèle);
  • Le montant apparaissant aux budgets des deux exercices précédents (colonnes C et D dans le modèle);
  • Les résultats de l’exercice précédent apparaissant aux états financiers (colonne F dans le modèle);
  • Le montant que vous prévoyez pour l’année sur laquelle porte le budget (colonne G dans le modèle);
  • L’écart, en pourcentage, entre les montants budgétés d’une année par rapport à la précédente (colonnes E et H dans le modèle).

Méthode de prévision

De façon générale :

  • Le budget doit être établi avec réalisme, mais en demeurant conservateur;
  • Une bonne planification budgétaire doit s’appuyer, autant que possible, sur des données objectives et documentées;
  • Plus l’évaluation d’un poste budgétaire est difficile, plus on doit faire preuve de prudence.

Chaque poste doit faire l’objet d’une analyse la plus minutieuse possible, en tenant compte des informations financières des années antérieures, des besoins recensés par les différents comités, ainsi que l’information recueillie auprès d’organismes et de fournisseurs.

Le budget devrait, minimalement, viser l’équilibre budgétaire, c’est-à-dire que les revenus totaux de la coopérative devraient se chiffrer à un montant équivalent aux dépenses prévues. Les règles de saine gestion suggèrent même de prévoir un léger excédent des revenus sur les dépenses (ex. : 5 % du budget).

Quoi faire lorsque l’augmentation normale des loyers ne permet pas de financer les dépenses prévues initialement?

Vous pourrez d’abord chercher à réduire certains postes de dépenses. Cette démarche doit cependant se faire avec prudence et réalisme. Vous devriez :

  • Examiner attentivement les recommandations des comités en ce qui a trait aux besoins financiers. Échangez avec leurs membres sur la possibilité de réduire les coûts ou de reporter certaines dépenses;
  • Pour certains biens et services, entreprendre un processus d’appel d’offres. L’obtention de plusieurs soumissions peut engendrer des économies;
  • Réviser le plan d’action ou les orientations proposées par les membres.

Certaines dépenses sont incompressibles, c’est-à-dire que la coopérative n’a, en principe, pas la possibilité de les réduire. C’est le cas, par exemple, des taxes foncières. Seules les dépenses dites compressibles pourront être affectées lors de la préparation du budget.

Attention : Ce n’est pas parce qu’une dépense est compressible qu’elle n’est pas nécessaire. Par exemple, réduire de façon importante les dépenses d’entretien, la contribution à la réserve de remplacement ou les sommes allouées à la formation pourrait avoir des conséquences néfastes à long terme.

Si la réduction prudente des dépenses ne suffit pas à atteindre l’équilibre budgétaire, la coopérative n’aura d’autres choix que d’augmenter ses revenus, ce qui signifie la plupart du temps une augmentation des loyers plus élevée que ce qui avait été anticipé.

Comparez le coût des loyers de la coopérative avec ceux de votre ville ou de votre quartier. Cela peut parfois aider les membres à mieux accepter une hausse plus importante que prévu!

20.3.3 - Adoption du budget

Une fois le projet de budget préparé, le trésorier en fait la présentation au conseil d’administration. Il peut parfois s’avérer utile de présenter deux scénarios budgétaires :

  • Un premier scénario incluant des dépenses qui permettent de répondre à l’ensemble des besoins et de réaliser les activités prévues pour l’année à venir. Ce scénario pourrait comporter des augmentations de loyer supérieures à la normale;
  • Un deuxième scénario pour lequel on aura réduit (avec prudence) certains postes de dépenses, mais dont l’augmentation de loyer correspond davantage aux normes usuelles.

Rappelez-vous que, sauf dans des circonstances très exceptionnelles, le budget de la coopérative ne devrait jamais être déficitaire. À cet égard, il importe de mentionner qu’un stratagème impliquant des baisses de loyer significatives et des déficits d’exploitation pourrait être considéré comme illégal et entraîner des conséquences financières et pénales pour les personnes impliquées. En effet, une telle pratique peut être considérée comme un moyen de faire indirectement une chose que la Loi interdit, à savoir de partager la réserve de la coopérativevoir la section ''Pendant que la coopérative est en activité'' (Section 16.5.1).

Il revient au conseil d’administration de faire les derniers arbitrages permettant d’avoir un budget excédentaire ou à tout le moins équilibré, tout en demeurant acceptable pour les membres.

Le budget est adopté par le conseil au moyen d’une résolution. Il pourra être présenté aux membres, à titre informatif, lors de l’assemblée annuelle Des coopératives d’habitation choisissent de faire adopter le budget et les augmentations de loyer par les membres réunis en assemblée. Cette pratique n’est pas recommandée. À tire de mandataires de la coopérative, les administrateurs doivent en tout temps être guidés dans leurs décisions par la promotion des seuls intérêts de la coopérative qu’ils représentent et de l’ensemble de ses membres actuels et futurs. Les membres, même réunis en assemblée, ne sont pas tenus à un tel devoir et leur intérêt personnel peut intervenir dans la prise de décision

Consultation préalable auprès des membres

Bien que le budget soit adopté par le conseil d’administration, rien n’empêche celui-ci de consulter les membres, par exemple lors d’une assemblée extraordinaire, sur certaines orientations et certains paramètres du budget (ex. : augmentation de loyer, budget d’entretien, contribution à la réserve de remplacement, etc.). Une telle consultation permet également d’informer les membres sur les enjeux et les défis financiers auxquels la coopérative doit faire face. Adéquatement informés, les membres seront par la suite en mesure de mieux comprendre et accepter les choix budgétaires faits par le conseil.

20.3.4 - Suivi budgétaire

Autorisation des dépenses

La coopérative doit s’assurer, tout au long de l’exercice financier, que les dépenses engagées cadrent avec la planification budgétaire. En s’appuyant sur le budget et les politiques adoptés par la coopérative, le conseil d’administration doit s’assurer que chacune des dépenses est justifiée. La collaboration des responsables de comités, notamment le comité des finances et le comité d’entretien, sera souvent indispensable dans le processus de contrôle.

Idéalement, ce contrôle par le conseil d’administration devrait intervenir avant que la dépense ne soit engagéeVoir la documentation pour un modèle de tableau d'autorisation des dépenses, surtout lorsque les montants en jeu sont significatifs ou encore lorsque la dépense n’est pas prévue au budget.

Le conseil approuve les dépenses en se posant les questions suivantes :

  • La dépense est-elle prévue au budget?
  • Sinon, est-elle nécessaire?
  • La dépense est-elle engagée conformément aux politiques de la coopérative?

Une fois la dépense approuvée, un bon de commande sera rempli par la personne responsable pour préciser certaines informations :

  • Les réparations : Quelle est la réparation à faire? Selon la politique de la coopérative, qui en est responsable (le membre ou la coopérative)? Quelle est l’urgence à effectuer la réparation à court ou à long terme?
  • Les fournitures : Indiquez des précisions sur l’article demandé et son utilisation, la quantité nécessaire (ex. : quatre gallons de peinture pour le logement numéro 101).

Le bon de commande devra être approuvé avant l’achat par le responsable des achats. Cette tâche est souvent effectuée par les membres du comité d’entretien pour une réparation et le comité de secrétariat pour les fournitures de bureau.

Une fois la dépense autorisée, la personne désignée peut procéder à l’achat.

Le comité des finances doit avoir une copie du bon de commande pour vérifier l’exactitude de la facture. À la réception de la facture, on doit s’assurer que :

  • Les articles, produits ou matériaux inscrits correspondent au bon de commande;
  • Les calculs sont exacts.

On classe ensuite la facture dans le dossier « COMPTES À PAYER ». Celle-ci doit être approuvée par le responsable du comité des finances avant d’être payée.

Comparatif entre les prévisions et les résultats intérimaires

Les prévisions établies, il faut s’assurer qu’elles sont respectées dans la réalité. Ce processus de suivi doit se faire périodiquement au cours de l’année financière afin que le conseil d’administration soit en mesure, le cas échéant, de prendre les décisions qui s’imposent au moment opportun.

Le suivi budgétaire permettra :

  • De vérifier si le résultat pour chacun des postes se trouve dans un état excédentaire, déficitaire ou équilibré;
  • De connaître la marge de manœuvre dont dispose la coopérative pour le reste de l’année financière;
  • De déceler certaines erreurs dans la tenue de livres;
  • De faciliter la prise de décisions.

Le suivi budgétaire se fait en comparant les revenus et les dépenses comptabilisés avec ceux prévus au budget. Pour ce faire, on utilise un état comparatif des revenus et dépenses comportant généralement quatre colonnes traitant de chacun des postes de revenus et dépenses.

  • Dans la première colonne, on indique le montant apparaissant au budget.
  • À la deuxième colonne, on inscrit le montant du budget correspondant à la portion écoulée de l’exercice. Par exemple, si on fait un suivi budgétaire à la fin septembre et que notre année financière se situe entre le 1erjuillet et le 30 juin, on doit diviser chaque poste du budget annuel par 12 mois et multiplier ce montant par 3 mois (juillet, août et septembre) pour arriver aux montants de la deuxième colonne.
  • À la troisième colonne, on utilise les revenus et dépenses comptabilisés pour la période concernée.
  • À la quatrième colonne, on calcule l’écart, exprimé en dollars et/ou en pourcentage, entre le montant prévu pour la période et le montant réel pour cette même période. Cela vous permettra de mettre en relief les montants qui sont excédentaires, déficitaires ou équilibrés par rapport aux prévisions.

Si la coopérative constate des écarts – qu’ils soient positifs ou négatifs – entre les montants prévus au budget et les résultats, elle doit être en mesure de les expliquer. Il peut s’agir, par exemple :

  • D’une dépense imprévue;
  • D’un taux de vacances plus élevé qu’anticipé;
  • De travaux planifiés non réalisés ou de budget de formation non utilisé;
  • D’une simple erreur comptable ou d’un retard à comptabiliser certaines dépenses ou certains revenus.

Si la plupart des postes budgétaires peuvent facilement être comparés (ex. : les loyers perçus de façon régulière ou encore l’amortissement), d’autres nécessitent un examen plus attentif et souvent des explications de la part des responsables de comités ou encore du trésorier. C’est le cas, entre autres, des dépenses d’entretien qui, par leur nature, ne sont pas réparties également sur l’année financière.

À la suite de cet exercice comparatif, la coopérative peut, dans certaines circonstances, être appelée à prendre des décisions rapidement. Ainsi, en cas de déficit anticipé, on pourra choisir de procéder à une réduction systématique de certaines dépenses ou encore accepter un déficit de fonctionnement pour l’année en cours (si la situation financière de la coopérative le permet), quitte à prévoir des augmentations de loyer plus élevées pour la ou les années subséquentes.

Enfin, une difficulté importante et récurrente à équilibrer les revenus et les dépenses de la coopérative doit entraîner une réflexion sur certains choix collectifs que vous avez faits et sur les outils (ex. : formation et outils financiers) pouvant aider la coopérative à corriger la situation. Des déficits à répétition sont susceptibles d’entraîner des tensions importantes au sein de la coopérative. Une ressource externe professionnelle peut souvent vous aider dans cette tâche.