3e édition

Guide pratique de gestion des coopératives d’habitation


Chapitre 20
Gestion financière

Section 20.2

Les ressources financières de la coopérative

Pour assurer son développement et son fonctionnement, votre coopérative doit pouvoir compter sur des ressources financières suffisantes. Nous distinguons à cet égard la capitalisation et les revenus.

20.2.1 - La capitalisation

La capitalisation de votre coopérative correspond à l’avoir des membres (capital social) et aux différentes réserves de la coopérative (réserve générale et autres réserves telles les réserves de remplacement).

Une capitalisation suffisante est essentielle pour assurer la viabilité d’une coopérative, et ce, notamment, pour :

  • Améliorer sa capacité à faire face aux imprévus (ex. : bris d’une composante de l’immeuble ou d’un équipement, nombreux loyers vacants, etc.);
  • Éponger d’éventuels déficits;
  • Rembourser les parts détenues par les membres;
  • Assurer la pérennité de l’entreprise;
  • Concrétiser ses objectifs de développement et d’engagement dans son milieu.

Capital social

Dans une coopérative, les membres sont appelés à investir dans l’entreprise (3ème principe coopératif – Participation économique des membres). Cette contribution au capital de la coopérative se fait par la souscription de parts dans le capital social de la coopérative.

Précision

La Loi sur les coopératives réfère à plusieurs concepts et règles relativement complexes en lien avec le capital social. Afin de simplifier la compréhension du lecteur, nous nous attarderons davantage aux notions essentielles qui s’appliquent à la très grande majorité des coopératives d’habitation. De l’information supplémentaire est présentée dans les documents auxquels renvoie le texte.

Le capital social d’une coopérative est composé de parts sociales et de parts privilégiées (L.c., art. 37). La composition du capital social (catégories et nombre de parts) est déterminée par le Règlement de régie interneVoir la documentation pour un modèle de règlements de régie interne. Cependant, dans la majorité des coopératives d’habitation locatives – catégorie consommateurs, le capital social est composé uniquement de parts sociales et le montant investi demeure généralement peu élevé (souvent entre 100 $ et 200 $).

Le capital social apparaît aux états financiers de la coopérative, dans la section « Actif net » du bilan.

Fiche juridique

Parts sociales

Les parts sociales ont les caractéristiques suivantes :

  • Les parts sociales sont nominatives, c’est-à-dire qu’elles sont portées au registre de la coopérative au nom du titulaire à leur valeur d’émission (c., art. 39);
  • Seuls les membres de la coopérative ont le droit de détenir des parts sociales;
  • Elles ne peuvent être transférées qu’avec l’approbation du conseil d’administration. Toutefois, des conditions supplémentaires de transfert peuvent être prévues par règlement (c., art. 39);
  • Le prix de chaque part sociale est fixé par la Loi à 10 $ et le Règlement de régie interne ne pourrait prévoir un montant différent (c., art. 41);
  • Aucun intérêt n’est payable sur les parts sociales (c., art. 42).

Parts de qualification

La Loi réfère à la notion de parts de qualification. Il s’agit du nombre minimal de parts qu’une personne doit souscrire pour pouvoir être admise comme membre d’une coopérative (L.c., art. 38.3). Par exemple, le Règlement de régie interne d’une coopérative pourrait prévoir que pour devenir membre, toute personne doit souscrire 30 parts sociales au prix unitaire de dix (10) dollars chacune, le tout, pour un montant total de 300 $.

En principe, une coopérative peut émettre des parts sociales ou privilégiées qui ne seraient pas des parts de qualification. En pratique, toutefois, le capital social de la très grande majorité des coopératives d’habitation ne comporte que des parts de qualification.

Il est possible de modifier le nombre de parts de qualification, en amendant à cet effet le Règlement de régie interne. Assurez-vous, cependant, que le nombre de parts de qualification demeure égal entre les membres. Par exemple, si le Règlement est modifié de manière à faire passer de 10 à 20 le nombre de parts sociales que doit détenir chaque membre, les personnes qui étaient membres avant la modification devront souscrire 10 parts sociales additionnelles de 10 $, soit un montant de 100 $. Le fait de prévoir des parts de qualification distinctes pour les anciens et les nouveaux membres contreviendrait au principe d’égalité sur laquelle repose la coopération.

Coopératives de solidarité en habitation

Dans le cas des coopératives de solidarité en habitation, le nombre de parts de qualification que doit détenir un membre peut varier selon que ce membre est un utilisateur, un travailleur ou un membre de soutien (L.c., art. 226.4).

Remboursement des parts

Lorsqu’une personne cesse d’être membre de la coopérative (en cas de décès, de démission ou d’exclusion; celle-ci doit, en principe, rembourser les sommes payées sur les parts sociales détenues par ce membre (L.c., art. 38.1).

Résiliation, annulation ou non-renouvellement du bail

Rappelons que le membre dont le bail est résilié, annulé ou non renouvelé est réputé avoir démissionné de la coopérative à la date de la résiliation, de l’annulation ou de l’arrivée du terme du bailVoir la section ''Annulation et non-renouvellement du bail au chapitre 10

Cependant, la Loi interdit à une coopérative de rembourser ou de racheter une part si (L.c., art. 38):

  • La coopérative est insolvable ou le deviendrait par suite de ce remboursement, de ce rachat ou de ce paiement;
  • Le conseil d’administration démontre que le remboursement, le rachat ou le paiement est susceptible de porter atteinte à la stabilité financière de la coopérative;
  • En raison du remboursement, du rachat ou du paiement, la coopérative ne pourrait satisfaire à ses engagements auprès des tiers qui lui accordent une aide financière.
Remboursement

Confiscation et rétention des parts

L’article 43 de la Loi prévoit que le conseil d’administration peut confisquer les parts de qualification d’un membre lorsque :

  • Un montant est dû par ce membre depuis au moins deux ans sur les parts de qualification qu’il avait souscrites;
  • La coopérative a envoyé au membre (par courrier recommandé) une demande écrite de paiement pour les sommes dues;
  • Le membre n’a toujours pas acquitté les sommes dues deux mois après l’envoi de la demande.

La confiscation des parts entraîne alors l’exclusion du membre.

Par ailleurs, si un membre, au moment de quitter son logement, doit des sommes à la coopérative (ex. : loyer impayé, dommages causés au logement, etc.), celle-ci peut se rembourser en retenant ou en confisquant les parts que détient ce membre jusqu’à concurrence du montant dû (L.c., art. 27 par. 6).

Vous devriez inclure dans votre Règlement de régie interne une disposition par laquelle la coopérative se réserve le droit de retenir sur le remboursement des parts du membre le montant des dommages et des pertes occasionnées au logement.

Les réserves

Les réserves de la coopérative sont constituées, d’une part, de la réserve prévue à la Loi sur les coopératives, communément appelée réserve générale et, d’autre part, des autres réserves ou fonds dédiés auxquels la coopérative est appelée à contribuer (ex. : réserve de remplacement immobilière).

La réserve (ou réserve générale)

La réserve est constituée de l’ensemble des trop-perçus ou excédents qui y sont versés annuellement (L.c., art. 145). Comme nous l’avons vu à la section sur les asssmblée annuelles Section 12.3 , les membres lors de l’assemblée annuelle doivent prendre une décision quant à la répartition des excédents ou trop-perçus (L.c., art. 76 et art. 143). Rappelons également que cette décision doit prendre en compte la recommandation du conseil d’administration (L.c., art. 90).

Fiche juridique

En principe, les membres peuvent alors décider d’affecter en tout ou en partie les excédents, soit à la réserve, soit à l’attribution de ristournes. En pratique, la plupart des coopératives d’habitation se sont interdit dans leurs statuts constitutifs de verser des ristournes afin de se conformer aux conventions d’exploitation et afin d’éviter d’avoir à payer de l’impôt sur leurs revenusVoir la sous-section ''Contenu des statuts'' (Chapitre 4) . Donc, sauf de rares exceptions, les membres d’une coopérative d’habitation n’auront d’autres choix que d’affecter les excédents ou trop-perçus à la réserve.Le Guide ne traite pas des règles spécifiques applicables au versement des ristournes.

Fiche juridique

Si la coopérative enregistre un déficit lors d’un exercice financier, ce déficit est imputé à la réserve. Il vient ainsi réduire les montants des excédents accumulés au fil des ans. Éventuellement, si l’ensemble des déficits est supérieur à l’ensemble des excédents, alors la coopérative aura un déficit accumulé et la réserve générale sera négative.

Une fois qu’elles ont été versées à la réserve, ces sommes font partie de l’avoir propre de la coopérative. La réserve apparaît dans les états financiers de la coopérative, dans la section « Actif net » du bilan.

Interdiction de partager la réserve : La règle la plus importante à retenir concernant la réserve générale est qu’elle ne peut être partagée, par quelque moyen que ce soit, entre les membres. Elle ne peut non plus être autrement entamée, notamment par l’attribution d’une ristourne (L.c., art. 147).

Cette interdiction a pour but de préserver le caractère collectif des biens de la coopérative. Il s’agit là d’une importante différence entre une coopérative et les autres formes juridiques d’entreprise (société par actions, OSBL).

Le fait de contrevenir à l’interdiction de partager la réserve pourrait entraîner des recours judiciaires et éventuellement des sanctions pénales.Pour en savoir plus le partage illicite des biens de la coopérative, voir la section ''Interdiction de partager les biens de la coopérative'' (Chapitre 16).

Les autres réserves ou fonds dédiés

Une coopérative d’habitation peut également constituer d’autres réserves ou fonds dédiés à des fins particulières. Le plus souvent, la création de telles réserves ou de tels fonds découle des conventions d’exploitation.

Réserve de remplacement immobilière : La plus importante parmi ces réserves est sans nul doute la réserve de remplacement immobilière destinée à financer la rénovation ou le remplacement des principales composantes du ou des immeubles appartenant à la coopérative. L’ensemble des conventions d’exploitation (SCHL ou SHQ) obligent les coopératives à créer une telle réserve.Pour en savoir plus sur la réserve de remplacement et son utilisation, consulter la sous-section ''Planification à long terme des immobilisations''(Chapitre 19).

Réserve de remplacement mobilière : Les coopératives d’habitation qui possèdent des biens meubles ou équipements pour réaliser leur mission ou offrir certains services (ex. : équipements de cuisine pour des coopératives offrant les repas en salle à manger) devraient également prévoir une réserve pour les remplacer à la fin de leur vie utile.

Réserve de gestion hypothécaire 

Programmes concernés : Programmes d’achat-rénovation pour les coopératives et les OSBL (ou PARCO), Programme AccèsLogis Québec, Programme Logement abordable Québec.

Au moment du renouvellement de l’hypothèque, soit tous les cinq ans, il est possible que le taux d’intérêt hypothécaire soit différent de celui présentement en vigueur. La réserve de gestion hypothécaire vise à accumuler des sommes d’argent afin d’atténuer l’augmentation de loyer qu’entraînerait une hausse de 2 % du taux hypothécaire (ex. : un taux de 4,5 % d’intérêts qui passerait à 6,5 %).

Réserve de gestion 

Programmes concernés : Programmes d’achat-rénovation (ou PARCO), Programme AccèsLogis Québec, Programme Logement abordable Québec

Cette réserve s’applique à une coopérative qui reçoit une subvention temporaire à l’exploitation, telle qu’une exonération de taxes limitée dans le temps, une contribution d’une fondation privée ou une autre forme de contribution temporaire. Cela n’inclut pas les montants versés dans le cadre du programme Supplément au loyer ni les subventions octroyées à des fins de service à la clientèle. L’organisme doit prévoir une réserve de gestion au budget d’exploitation afin d’éviter toute augmentation subite de loyer lorsque la subvention temporaire à l’exploitation prendra fin.

Fonds de réserve de subventions

Programme concerné : Programme de l’article 95.

Ce fonds est constitué de la portion non utilisée de l’aide assujettie au contrôle du revenu (AACR), jusqu’à concurrence de 500 $ par logement.

Article 95

Fonds de sécurité d’occupation

Programme concerné : Programme fédéral des coopératives d’habitation (PHI)

Ce fonds est destiné à soutenir des ménages éprouvant des difficultés financières temporaires pour le paiement de leur loyer.

L’équité ou la valeur nette des immeubles

L’équité ou la valeur nette d’un immeuble correspond à la différence entre la valeur marchande estimée de l’immeubleL’évaluation par les institutions financières de la valeur d’un immeuble à revenu dépend en grande partie des loyers que génère cet immeuble. et le montant non remboursé sur le capital des emprunts hypothécaires grevant cet immeuble.

On considère cette équité comme une ressource financière dans la mesure où elle permet à la coopérative d’emprunter afin, par exemple, de financer la réalisation de rénovations majeures.

Pour en savoir plus sur l’équité et son potentiel financier, consulter le chapitre 19.

20.2.2 - Les principales sources de revenus

  • Les revenus de location : Les loyers perçus par la coopérative auprès des locataires représentent la principale source de revenus des coopératives d’habitation locatives.
  • Les contributions ou subventions : Selon l’âge de la coopérative et le ou les programmes d’aide financière dont elle a bénéficié pour son développement, les subventions ou contributions extérieures représentent une part plus ou moins importante de ses revenus. Voici les principaux types d’aide financière dont bénéficient les coopératives :
  • Subventions à l’exploitation : Seules les coopératives du Programme sans but lucratif – Privé (PSBL-P) et les coopératives du Programme fédéral des coopératives d’habitation (PFCH ou PHI) reçoivent actuellement une aide financière gouvernementale à l’exploitation.
  • Crédits de taxes : Il peut s’agir de crédits de taxes municipales ou encore de crédits de taxes à la consommation (TPS-TVQ). Les organismes désignés comme municipalités (programmes PSBL-P, AccèsLogis Québec ou autres coopératives avec PSL) peuvent se prévaloir d’un remboursement de 100 % de la TPS et de 50 % de la TVQ.
  • Aide au loyer : Les gouvernements provincial et fédéral versent à plusieurs coopératives d’habitation des aides financières permettant de réduire le coût du loyer pour les ménages à faible revenu (ex. : PSL, AACR, IFLC, etc.).
  • Aide à la rénovation ou autres travaux : Les coopératives d’habitation peuvent recevoir des aides financières ponctuelles destinées à la rénovation et à la modernisation de leurs Voir la sous-section  »Planification à long terme des immobilisations »(Sous section 19.5.2) « ].
  • Les autres revenus autonomes : Il s’agit de revenus divers tels ceux provenant de l’utilisation d’une buanderie, de services de repas en salle à manger, des stationnements, etc.